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jour en présence d’un excédant de recettes, et qu’il conserve continuellement un encaisse métallique suffisant pour permettre à tout individu porteur d’un billet de la trésorerie de recevoir à présentation une somme égale en or, la valeur des billets s’élèvera au pair, et la circulation s’augmentera de tout le numéraire aujourd’hui inactif. Cette opération, il est probable que le gouvernement pourrait la commencer avant longtemps ; reste à savoir si les banques nationales seraient en mesure de reprendre les paiemens en espèces aussi facilement que le gouvernement le ferait à l’égard de ses propres billets. Là est le principal obstacle à la prompte solution du problème. Jamais en effet le congrès ne prendra une mesure qui léserait les intérêts des banques ; ce serait porter atteinte à des intérêts considérables et commettre une imprudence en même temps qu’une injustice.

Il faut éviter d’ailleurs de modifier subitement la situation respective des débiteurs et des créanciers d’une manière trop considérable. M. Mac-Culloch a donc proposé par son dernier rapport un ensemble de dispositions propres à conduire vers une réforme graduelle. D’abord on rendrait légale dans les transactions entre particuliers la stipulation que le contrat devra être exécuté en espèces métalliques. Après le 1er janvier 1870, les billets de la trésorerie cesseraient d’avoir cours forcé dans les transactions privées ; après le 1er janvier 1871, ces billets cesseraient d’avoir cours forcé dans les transactions, de quelque nature qu’elles soient, sauf en ce qui touche certains paiemens à opérer par le gouvernement ; on autoriserait l’échange facultatif de ces billets contre des obligations de la dette fédérale ; enfin un délai serait accordé aux banques nationales pour reprendre le paiement en espèces de leurs propres billets.

Il est dans les habitudes du pouvoir législatif aux États-Unis de ne point régler de question grave, soit politique, soit financière, avant qu’elle n’ait été profondément mûrie par la discussion du pays. Le congrès s’est contenté jusqu’ici de prendre en considération la plupart des propositions qui lui ont été présentées. Celle de M. Mac-Culloch en provoquera évidemment beaucoup d’autres. Quelque mesure que prenne d’ailleurs le congrès pour hâter l’accomplissement du vœu qui tient le plus au cœur de tous les Américains, c’est-à-dire le prompt amortissement de la dette, le succès en dépendra de la prospérité industrielle et commerciale de la jeune et énergique nation des États-Unis. Sous ce rapport, les progrès sont rapides. Sous l’égide d’une administration homogène et appuyée par la majorité du pays, l’édifice ébranlé par la guerre se reconstitue plus solide qu’il ne l’a jamais été. Les résultats fournis par le rendement des taxes intérieures témoignent que l’industrie se développe dans des proportions gigantesques en dépit des charges qui la grèvent. Autant qu’on en peut juger par les chiffres obtenus depuis le commencement de l’année, le produit des douanes sera d’environ 1 milliard 100 millions ; c’est le revenu le plus élevé qu’elles aient encore donné.