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totalité de cette somme, et on pourrait consacrer la partie disponible à rembourser en or les billets qui seraient présentés à la trésorerie. On comptait, par cette mesure, relever tout de suite le cours des greenbacks et les ramener au pair en peu de temps. M. Mac-Culloch répondait fort justement que cette manière d’agir constituerait une imprudence grave, tant que la conversion de 7-30 en 5-20 ne serait pas achevée. « Dans l’incertitude où je suis, ajoutait-il, de savoir s’il sera plus avantageux, suivant la situation du marché, de rembourser les 7-30 en papier ou de les échanger contre les 5-20 que le congrès m’a autorisé à émettre, il est indispensable de conserver un encaisse qui me permette de prévoir avec une égale confiance cette double alternative. » Cet encaisse constituait d’ailleurs la réserve à l’aide de laquelle il était toujours certain de pouvoir faire face aux intérêts de la dette. Pour que le crédit des États-Unis n’eût pas à redouter les suites d’une diminution éventuelle des recettes, il fallait que le ministre des finances gardât entre ses mains une avance assez considérable pour assurer le service régulier des coupons. Le système proposé n’était donc praticable qu’à la condition de pouvoir compter avec certitude sur un excédant de recettes, et la situation n’était point assez assurée pour cela en ce moment. Afin de satisfaire pourtant ceux qui attribuaient la gêne du marché à l’insuffisance des agens d’échange, le congrès abrogea la loi qui enjoignait au chef du département financier de racheter 21 millions de francs de billets par mois. Cette loi avait eu pour effet d’amener une réduction de 279 millions dans la circulation fiduciaire. Depuis qu’elle a été abrogée, le chiffre de la dette sans intérêts est resté à peu près stationnaire, puisqu’entre le 1er novembre 1867 et le 1er juin 1869 il ne s’est élevé que de 2,056 à 2,064 millions, soit un accroissement de 8 millions en dix-neuf mois.

Ce qui complique surtout la question de la reprise des paiemens en espèces, c’est la présence dans la circulation des billets émis par les banques nationales. D’après la loi, chaque association de banque est obligée de déposer au moment où elle se constitue un certain nombre de titres des rentes fédérales, en échange desquels elle est autorisée à émettre une somme de billets égale à 90 pour 100 de la valeur de ces titres. Les billets ainsi émis doivent être reçus en paiement des impôts, droits d’excise, terres de l’état et de toutes les autres dettes envers les États-Unis, à l’exception des droits d’importation. Réciproquement ils doivent être acceptés en paiement de toutes les dettes des États-Unis, à l’exception des intérêts de la dette fédérale et du rachat des billets de la trésorerie, qui ont cours forcé (legal tenders). La monnaie légale des États-Unis se compose donc, outre les billets de la trésorerie, des billets émis par les banques nationales. La circulation de ces derniers, au mois d’octobre 1868, représentait une somme de 1 milliard 559 millions, garantis par le dépôt de titres de la dette ayant une valeur de 1 milliard 813 millions. Supposons que le gouvernement se trouve un