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fut élu président. Vingt-six états, réunissant 217 voix présidentielles, lui accordèrent leurs suffrages. M. Seymour, le candidat des démocrates, obtenait 80 voix, et la majorité dans 8 états seulement, notamment dans celui de New-York, grâce au vote des électeurs irlandais de la métropole commerciale de l’Union.

Le scrutin du 3 novembre réglait en principe la question financière soumise à l’appréciation du pays ; il ne restait qu’à la formuler en termes légaux, et le congrès n’allait pas tarder à s’acquitter de ce devoir. Néanmoins, dans le message qu’il adressa au congrès le 8 décembre, M. Johnson ne put résister au plaisir de jeter un dernier défi à ses vainqueurs. « Divers plans, disait-il, ont été proposés pour le paiement de la dette publique. Quelles que soient les différences quant au temps et au mode de rachat, ils semblent être d’accord sur ce point qu’il est juste et convenable de réduire l’intérêt. Le secrétaire du trésor, dans son rapport, recommande le taux de 5 pour 100 ; le congrès, dans un bill passé avant l’ajournement du 27 juillet dernier, demandait ceux de 4 et de 4 1/2 pour 100 ; aux yeux de beaucoup de personnes, 3 pour 100 constitueraient un intérêt complètement suffisant. Ce serait offrir aux créanciers publics une libérale rémunération de l’emploi de leur capital, et ils auraient lieu de s’en tenir pour satisfaits. » M. Johnson terminait cette partie de son message par une phrase très significative, « Les leçons du passé, ne craignait-il pas d’écrire, avertissent les prêteurs qu’il ne faut pas exiger de l’emprunteur une trop rigoureuse observation de la lettre du contrat. »

Ce langage était une insulte à l’assemblée, dont les principes en matière économique venaient de recevoir la sanction solennelle du suffrage populaire. Le congrès et le sénat auraient pu renvoyer purement et simplement le message à celui qui l’avait écrit, la proposition en fut faite ; ils se contentèrent d’en ordonner le dépôt sur les bureaux de leurs présidens respectifs, afin qu’il n’en fût plus question. Toutefois ces paroles, transmises par le télégraphe, produisirent une grande émotion sur les marchés européens, par contre-coup aux États-Unis, et amenèrent une forte baisse sur la cote des titres. Le congrès comprit qu’il fallait arrêter cette panique, et dès le lendemain furent votées des déclarations par lesquelles il déclinait toute solidarité avec les opinions présidentielles. « La répudiation de la dette nationale, disait la résolution adoptée par la chambre dès représentons, sous quelque forme et à quelque degré que ce soit, est odieuse au peuple américain, et dans aucun cas ses délégués ne consentiront à offrir aux créanciers publics, comme remboursement intégral, une somme inférieure à celle que le gouvernement s’est engagé à leur solder. » La résolution votée par le sénat était plus explicite encore. « La dette publique des États-Unis (sauf dans les cas où la loi qui en autorise l’émission a fait une déclaration contraire) est due en monnaie métallique ou son équivalent, et les États-Unis par les présentes s’engagent