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positive. Nous voudrions également montrer comment il est possible de maintenir à l’histoire son haut caractère d’enseignement moral avec la nouvelle méthode qui en a fait une œuvre éminemment scientifique depuis le début de notre siècle.

Il en est de l’histoire comme de la psychologie. Tant que celle-ci s’est bornée à des études abstraites sur l’âme humaine, sur ses facultés considérées à part de l’organisme, tant qu’elle a traité de la volonté, de la liberté, des passions, des penchans, des idées, en isolant ces divers phénomènes psychiques soit des conditions organiques, soit des influences extérieures sous lesquelles ils se sont produits, la véritable science de l’homme est restée à faire. D’une pareille méthode, on a pu tirer une belle ou forte doctrine morale, quelque chose qui, comme le platonisme ou le stoïcisme, soit propre à purifier ou à retremper les âmes ; on n’en a point fait sortir une véritable théorie scientifique. Cette science est née le jour où la psychologie a embrassé l’homme tout entier dans ses observations et ses expériences, où, comprenant enfin que la vie humaine est une résultante fort complexe, elle a cherché les rapports de l’être sentant, pensant, voulant, avec l’organisme, avec la nature extérieure, avec la société dont il fait partie. Alors seulement elle a pu découvrir les lois de son développement. Même méthode pour l’histoire. On peut étudier une époque, une race, un peuple, une classe, uniquement dans les manifestations extérieures de leur activité politique ou littéraire, en ne s’attachant qu’aux faits et gestes des grands acteurs historiques. C’est là surtout qu’on peut contempler l’humanité dans sa liberté, dans sa personnalité, dans sa vie vraiment humaine : beau et dramatique spectacle d’un effet esthétique et d’un enseignement moral admirables. Si l’on en vient à comprendre que tout se tient, se lie, se correspond dans la vie des sociétés comme dans celle des individus, on peut considérer ce qui fait l’objet propre des études historiques, les événemens politiques et sociaux, tels que guerres, traités, institutions, lois de toute espèce, dans leurs rapports avec les conditions, les causes, les influences économiques, géographiques, ethnographiques, qui ont concouru à l’avènement et à la durée de ces faits. Alors, derrière l’exhibition toute superficielle et toute dramatique de la scène extérieure, se laisse apercevoir au fond du théâtre une action moins animée, moins brillante, moins intéressante pour un simple public de spectateurs, mais bien plus propre à fixer les regards de l’observateur curieux de savoir le mystère des choses. C’est l’histoire élevée à la dignité d’une science.

Or, de même que cette méthode tend à réduire la psychologie à une sorte de physiologie cérébrale où la personnalité individuelle