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avait autrefois reconnu le droit héréditaire des Obrenovitch, avait, depuis leur retour, refusé de renouveler ses anciennes déclarations à cet égard.

Sans discussion, on vota pour le nouveau prince la liste civile de son prédécesseur ; puis des députés qui s’étaient partagé l’es rôles prononcèrent pour la régence les noms de MM. Blasnavatz et Ristitch ; nommés par acclamation, ceux-ci présentèrent à l’assemblée M. Gavrilovitch. S’il avait voulu se mettre en avant, M. Garachanine aurait eu certainement un parti puissant dans la skoupchtina ; mais il avait préféré s’abstenir de toute démarche ; son pays le connaissait et savait où le prendre. Cette fière réserve eut le succès qu’on en pouvait espérer ; la foule, en Serbie comme en France, est oublieuse et ingrate ; elle n’a de mémoire que lorsqu’on l’y force ; le nom de M. Garachanine ne fut même pas prononcé.

Après avoir prêté serment, les régens allèrent au-devant du jeune prince, qui venait à cheval de Belgrade. Le prince mit pied à terre, baisa la main de deux ou trois archimandrites et évêques qui le reçurent au seuil de la tente, puis monta sur l’estrade. Le silence fut long à s’établir ; dans toute la salle éclataient et se renouvelaient sans cesse des vivat que justifiait, outre les souvenirs attachés à ce nom d’Obrenovitch, la mine du jeune prince, bel adolescent élancé et vigoureux, en uniforme de colonel d’artillerie de l’armée serbe. Quand le calme fut un peu rétabli, il prononça les paroles suivantes : « Je suis encore jeune, et pourtant déjà prince de Serbie ; mais je m’efforcerai d’apprendre tout ce qui me sera nécessaire pour rendre heureuse ma nation comme se proposait de le faire mon oncle. J’ai une entière confiance dans les régens que vous avez élus. » De nouvelles acclamations lui répondirent ; après une sorte de bénédiction donnée par le métropolitain, le prince passa en revue les bataillons de la milice qui formaient la garde de l’assemblée, et revint à Belgrade. Le lendemain, il assistait à un service d’actions de grâces, et toutes les troupes lui prêtaient le serment de fidélité.

Depuis la mort du prince Michel, on n’avait pas demandé de conseils à Constantinople. Après la séance de la skoupchtina, la régence notifia au divan l’avènement de Milan, et sollicita pour lui l’investiture du suzerain. On était d’assez mauvaise humeur à Stamboul, on trouvait que les Serbes auraient pu témoigner plus d’égards au sultan ; mais la diplomatie, surtout la diplomatie française, intervint : on prouva à Fuad et Aali-Pacha que le plus habile était encore de faire bon visage aux Serbes. La Porte répondit donc à la communication qui lui était faite par de cordiaux complimens de condoléance, par une entière approbation de la conduite qui avait été tenue et par des souhaits empressés pour le bonheur du jeune prince. Bientôt après arrivait à Belgrade le commissaire