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cela. Elle subsiste, quoi qu’on fasse, non-seulement chez les laïques, mais dans le prêtre lui-même, et se manifeste pour ainsi dire sans interruption. La diversité des religions issues d’une source commune en est l’expression la plus saisissante, car c’est par le travail personnel, des docteurs de chaque communion que les divergences ont été en grandissant, puis ont abouti à des symboles de foi, souvent même à des morales séparées. Qu’on suive dans les actes des conciles le développement des idées chrétiennes, et l’on verra dans quelle mesure chacun des docteurs grecs et latins a concouru à établir le schisme des deux églises, et comment les dissentimens sont nés et ont grandi par l’apport privé des évêques dans ces réunions ; on saisira l’instant précis des ruptures, décidées par des influences personnelles, et l’on restera convaincu que dans chaque religion les dogmes indécis des premiers temps ne se précisent et ne parviennent à l’état d’orthodoxies que par le même travail d’esprit qui engendre les hétérodoxies, les hérésies et les doctrines individuelles. Seulement dans les communions orthodoxes le nombre des esprits soumis est plus grand ; il est moindre dans les hérésies, et dans les opinions individuelles il se réduit à l’unité.

La plupart des hérésies sont nées dans les discussions ou à l’occasion des conciles ; elles sont l’œuvre de prêtres. On a vu des assemblées dogmatiques se diviser en deux parts presque égales, et l’une des deux se déclarer seule orthodoxe, quoiqu’elle ne comptât que quelques voix de majorité. On a vu l’église d’Orient tout entière envahie par l’arianisme et niant la divinité de Jésus-Christ, et Athanase presque à lui seul ramenant à l’ancienne orthodoxie les opinions individuelles qui s’en étaient séparées. Plus récemment, les peuples d’origine germanique ont presque tous rompu avec l'église de Rome, n’alléguant d’autre droit que la liberté individuelle de l’esprit. Ce droit étant naturel, ils n’avaient point à le démontrer ; ils avaient seulement à le reconquérir puisque leurs ancêtres l’avaient aliéné.

Quand une dissidence se manifeste dans le commun des fidèles et que l’un d’eux réclame ce droit, ce n’est presque jamais une cause religieuse qui le fait agir. En effet, le partage des communions orthodoxes en deux classes d’hommes, le clergé et les laïques, fait que ces derniers ne possèdent sur les dogmes établis que des connaissances superficielles et juste ce qu’il en faut pour étayer un ensemble de pratiques et un système de morale. L’enseignement brahmanique était complet pour les brahmanes, moins développé pour les xattriyas, très réduit pour la troisième caste et nul pour la quatrième. Chez les Grecs et les Romains, il n’y avait rien qui ressemblât à un catéchisme ; la révélation des mystères pouvait avoir des conséquences effroyables. Le bouddhisme et le christianisme