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avec la fille unique du roi de Suède, la princesse Louise. Ici tout a été simple, naturel et touchant, tant le sentiment populaire des deux pays a semblé se confondre dans cette union dynastique. Suédois et Danois ont pris une part très spontanée à ces noces royales, à ces fêtes qui cachent assurément plus d’un problème, qui déguisent à peine la situation péniblement indécise où est resté le Danemark depuis les événemens qui l’ont démembré, en préparant à l’Europe elle-même ces difficultés, cette paix équivoque et précaire où elle se débat encore aujourd’hui. Il ne faut pas s’y tromper en effet, dans cet ensemble nouveau que la Prusse a eu la prétention de créer à son profit, c’est toujours le Danemark qui est un des points délicats et douloureux; c’est par là, au moins autant que par ce qui peut survenir des rapports du nord et du sud de l’Allemagne, que la paix européenne est toujours menacée, puisque rien n’est réglé, rien n’est définitif, puisque les traités qui consacrent la victoire prussienne ne sont même pas exécutés. Ce que la paix de Prague a établi par un sacrifice presque dérisoire au principe des nationalités, ce que le cabinet de Berlin et le cabinet de Vienne ont sanctionné de leur signature sous la médiation morale de France, n’est qu’une lettre morte. Le Danemark reste en face de la Prusse comme la faiblesse devant la force. Trois ans se sont écoulés, et on ne sait pas plus aujourd’hui qu’au lendemain de la guerre quelle est la signification de l’article du traité de Prague qui réservait aux habitans des districts du Slesvig du nord le droit de demeurer Danois, s’ils en exprimaient le vœu, si le vote populaire se prononçait dans ce sens.

Entendons-nous, la Prusse sait très bien ce qu’elle veut; elle a commencé par s’annexer le Slesvig tout entier avec le Holstein, puis, comme elle était satisfaite, elle a jugé que le Danemark n’avait rien à réclamer. Des pourparlers se sont engagés de temps à autre, il est vrai; un jour même, vers 1867, lorsque la question du Luxembourg devenait pressante, il y eut, sinon une négociation précise, du moins une série de conversations entre un fonctionnaire du ministère des affaires étrangères de Berlin et le représentant du Danemark, M. de Quaade, pour arriver non pas à une solution, mais à des préliminaires qui pourraient acheminer à une transaction quelconque. En définitive, cela n’a conduit et ne pouvait conduire à rien, parce que le cabinet de Berlin, au lieu de s’exécuter purement et simplement, réclamait encore des garanties; il prétendait s’ériger en protecteur de quelques enclaves de la partie du Slesvig qui reviendrait au Danemark, et comme le roi Christian n’a pu consentir à se faire le vassal du roi Guillaume, la Prusse a tout gardé. M. de Bismark est bon prince, il ne décline pas ses obligations; comme Figaro, il aimerait mieux ne les remplir de sa vie que de les nier un seul instant. à reconnaît donc ses engagemens envers le Danemark, et même dans une circonstance, en plein parlement, il en a fait honneur à l’initiative de la France; seulement il se réserve le droit de faire ce