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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 août 1869.

Pendant que le canon des fêtes publiques annonce qu’il y a cent ans, dans une petite île de la Méditerranée, naissait un homme destiné à remuer le mondera laisser son empreinte sur la France, pendant que sous le troisième Napoléon et dix-sept ans après le coup d’état du 2 décembre 1851 le sénat en est à délibérer sur la métamorphose de l’empire autoritaire en empire libéral, selon le mot de M. Rouher, allons droit au nœud de toutes ces questions qui s’agitent depuis quelque temps et qui ne sont pas près de finir, même quand le sénatus-consulte du 2 août sera voté. Il y a en politique ce qu’on avoue tout haut et ce qu’on n’avoue pas. Les gouvernemens, comme les partis, ont leurs programmes ostensibles, leur manière d’agir apparente, et ils ont aussi leurs réticences, leurs mobiles déguisés. Ni les uns ni les autres ne disent tout ce qu’ils pensent, et ce qu’ils ne disent pas ou ce qu’ils n’avouent qu’à demi n’est pas ce qui a le moins d’importance ; en d’autres termes, la question n’est pas dans les propositions d’un message, dans la mesure d’une concession, elle est bien plutôt dans une certaine disposition morale qui donne leur caractère aux actes eux-mêmes.

La vraie question, sait-on où elle est aujourd’hui? Elle est dans cette disposition secrète avec laquelle gouvernement et partis abordent la situation nouvelle qui vient en quelque sorte d’éclater devant eux; elle est dans une équivoque et, pour le dire d’un mot, dans une défiance mutuelle qui s’infiltre partout, qui neutralise tout. Le gouvernement, par son origine, par les principes dont il se prévaut, au moins en théorie, n’a sans doute rien d’incompatible avec la souveraineté nationale. Il a le souci de l’opinion, puisqu’il cherche à la suivre; il ne se raidit pas contre un mouvement qu’il croit irrésistible, et il ne serait vraiment pas fâché de vivre avec ces institutions libérales qui lui échappent des mains. Ce qui lui manque, c’est la foi dans ce qu’il fait. Il y a huit ans déjà, M. de Persigny, passant au ministère, publiait une circulaire où il prétendait