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retentissent toujours de la courageuse prestation de serment qu’il a osé faire à Notre-Dame dans un moment si solennel et si difficile[1]. » Fesch annonça au saint-père l’intention de s’établir à Rome avec sa sœur, «Soyez les bienvenus, dit Pie VII. Je ferai tout ce qui dépendra de moi pour vous rendre ce séjour agréable. De tout temps, Rome a été la patrie des grands exilés. Elle sera la vôtre à double titre, et comme cardinal et comme oncle de l’empereur. » Deux jours après, Fesch était à Rome, où vinrent successivement s’établir, avec la mère de l’empereur, ses frères Lucien, Jérôme et Louis Bonaparte, qui, de ce lieu d’asile, recevaient fréquemment des nouvelles du prisonnier de l’île d’Elbe. Aux cent-jours, le cardinal retourna pour peu de temps dans sa ville archiépiscopale, puis à Paris; mais il ne s’y occupa nullement de politique. Après Waterloo, il demanda, par une lettre personnellement adressée à Louis XVIII, l’autorisation de continuer à résider dans son diocèse. À cette lettre, remise par M. de Talleyrand, il reçut une réponse qu’avait rédigée Fouché, et qui l’invitait à se retirer soit à Sienne, soit à Rome. Il choisit Rome, et s’y fixa de nouveau. Le gouvernement de la restauration voulut obtenir de lui la démission de son siège de Lyon; le cardinal résista obstinément, comme c’était son droit. En vain Consalvi et Pie VII s’entremirent; il ne leur céda rien. Léon XII, nouvellement intronisé, s’y employa comme eux, mais sans plus de succès. On dit que ce pontife, qui désirait plaire à la France, proposa au cardinal de le nommer au premier siège suburbicaire vacant, «Pardon, saint-père, reprit le cardinal, resté toujours fier dans son adversité, rien ne saurait me dédommager de mon église; après Lyon, je ne vois que la papauté...[2]. » Quand éclata la révolution de 1830, Fesch se flatta de rentrer en France. C’était l’intention du roi Louis-Philippe de l’y rappeler; mais le maintien par la chambre des députés de la loi du 2 janvier 1816 prolongea l’exil du cardinal. « Le nouveau gouvernement, malgré ses sympathies pour les Bonapartes, dit le pieux biographe du cardinal Fesch, n’osa pas séparer leur cause de celle des Bourbons de la branche aînée... Depuis, la conspiration de ses neveux, les enfans de Lucien, à Rome, l’échauffourée de son autre neveu, le prince Louis, à Strasbourg, lui ôtèrent tout espoir de rentrer dans son diocèse, cette dernière affaire surtout ayant justifié aux yeux de la France la mesure qui laissait subsister l’exil des Bonapartes[3]. » Attentivement occupé à entretenir dans des sentimens de piété sa sœur, qu’il perdit en 1837, distrait de temps à autre par les soins qu’il n’avait cessé de donner à sa galerie de tableaux, plus

  1. Vie du cardinal Fesch, par l’abbé Lyonnet, t. II, p. 250.
  2. Ibid., t. Ier, p. 688.
  3. Ibid., t. il, p. 689 et 690.