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s’acquittant jusqu’à sa dernière heure de ses fonctions épiscopales, le 21 juillet 1821.

L’évêque de Troyes, M. de Boulogne, ne se mit point dans le cas de souffrir aucune nouvelle persécution. Lorsque, vers la fin de février 1814, l’empereur avait, après la victoire de Montereau, passé quelques jours à Troyes, il avait fait venir les chanoines du chapitre pour les gourmander de leur opposition au nouvel évêque, M. de Cussy. Les chanoines s’étaient excusés sur ce que le siège n’était pas réellement vacant, à quoi l’empereur avait répondu par cette plaisanterie, à coup sûr fort mal placée dans sa bouche : « Eh bien! si je le fais fusiller, votre évêque, le siège ne sera-t-il pas alors vacant? » Là-dessus M. de Boulogne se figura ou à peu près, tant son imagination était vive, qu’il avait été condamné par l’empereur à être fusillé. Son déchaînement contre le régime tombé devint tout de suite égal à l’enthousiasme avec lequel il en avait jadis salué l’avènement. Avec sa facilité merveilleuse de parole, il ne fit que transporter aux princes de la maison restaurée des Bourbons les témoignages de soumission et de docilité qu’il avait prodigués au chef de la dynastie impériale. Le public remarqua surtout un discours prononcé en chaire en 1816, dont le sujet était : la France veut son Dieu, la France veut son roi. « Oui, la France veut son roi! s’était écrié l’orateur sacré, mais son roi légitime, parce que la légitimité est le premier besoin des peuples, et un bienfait d’autant plus inappréciable qu’il peut suppléer à tous les autres, et qu’aucun autre ne peut y suppléer... Non, il n’est pas vrai que le peuple soit souverain, ni que les rois soient ses mandataires. C’est le cri des séditieux, c’est le rêve des indépendans, c’est la chimère immonde de la turbulente démagogie, c’est le mensonge le plus cruel qu’aient pu faire nos vils tyrans pour tromper la multitude... » A ceux qui lui rappelaient qu’il avait naguère professé d’autres doctrines et comblé d’éloges un prince qui avait régné au nom du principe de la souveraineté du peuple : « Hélas ! oui, répondait M. de; Boulogne; mais l’excès de mes louanges n’en prouve que mieux combien était grande son épouvantable tyrannie. »

La situation particulière du cardinal Fesch l’empêcha de donner l’exemple d’une pareille palinodie. Après la chute de l’empereur, il se dirigea, en compagnie de Mme Laetitia, vers l’Italie. Le hasard voulut qu’il arrivât à Césène le jour même où Pie VII faisait son entrée dans sa ville natale. Il demanda s’il pouvait être admis à présenter ses hommages au saint-père, «Qu’il vienne, s’écria Pie VII, qu’il vienne; nous n’avons pas oublié les affectueux services qu’il a toujours cherché à nous rendre. Il nous semble encore voir accourir ses grands-vicaires à Grenoble pour mettre à notre disposition tout ce qu’il avait alors de crédit et de pouvoir. Nos oreilles