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la guerre étaient devenues plus fâcheuses pour Napoléon, le commandant Lagorse s’était relâché chaque jour davantage de la sévérité de ses premières instructions. Les ovations s’étaient en même temps multipliées sur le passage du saint-père. Les villes du midi surtout se signalèrent, comme elles l’avaient déjà fait trois années auparavant, par l’ardeur de leur enthousiasme. Dans quelques endroits, les acclamations prodiguées à Pie VII avaient été mêlées d’imprécations contre l’empereur; mais le prudent M. Lagorse fit avec raison semblant de ne point les entendre. A Savone, le pape avait été reçu par le nouveau préfet de Montenotte, le marquis de Brignole, moins en prisonnier qu’en souverain. M. de Brignole, Génois de naissance, n’en était pas, comme nous l’avons déjà dit, à donner ses premières preuves de sympathie à la cause pontificale, et Pie VII, qui se souvenait de M. de Chabrol, l’appelait en plaisantant il mio buon carceriere. Ce fut M. de Brignole qui apporta au pape, le 17 mars, la nouvelle du décret rendu à Paris par l’empereur, et qui eut le plaisir de lui dire le premier : « Votre sainteté est libre, et peut partir dès demain. — Demain, je ne partirai point, répondit Pie VII; c’est la fête de Notre-Dame-de-la-Délivrance, patronne de cette ville, et je veux dire la messe dans votre église métropolitaine. » Le 19 mars. Pie VII quitta Savone. Le 23, c’est-à-dire le jour même où les chefs des armées coalisées prenaient, au château de Dampierre en Champagne, la résolution de marcher sur Paris, il atteignit, près de Plaisance, la petite ville de Firenzuola, qu’occupaient les troupes réunies du roi Murat et de l’empereur d’Autriche. De ce jour-là seulement, le pape fut tout à fait libre. Après avoir attendu dans le nord de l’Italie les cardinaux, qui, toujours retenus par l’empereur, ne furent délivrés qu’après sa chute, après s’être donné le plaisir de séjourner quelque temps dans sa ville natale de Césène et dans son ancien évêché d’Imola, Pie VII s’achemina enfin à petites journées vers Rome.

La captivité du saint-père avait duré à peu près quatre années, pendant lesquelles les états pontificaux avaient été possédés et régis par le gouvernement français. Il suffit de se rappeler les noms du général Miollis et du comte de Tournon pour se convaincre que le régime dont ils avaient été les principaux fonctionnaires n’avait pas dû être inutilement violent ou cruellement vexatoire. Un grand ordre financier, beaucoup de progrès matériels accomplis, avaient mérité à leur sage et honnête administration la reconnaissance d’une assez notable partie de la population; mais, il serait inutile de le dissimuler, le souverain étranger dont ils étaient les agens avait toujours eu contre lui le clergé et les classes inférieures du peuple romain. En Italie comme ailleurs, il s’était peu à peu aliéné la plupart même des hommes qui l’avaient d’abord le plus admiré, et de l’autre côté