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jours de son ascension spirituelle ont été les facultés vraiment humaines, vraiment caractéristiques du genus homo ? Voilà pourquoi nous disons que, si la faculté religieuse devait un jour disparaître de l’esprit humain, cet esprit ne serait pas en progrès, il serait appauvri, et l’on ne pourrait nier que pendant une période immensément longue cette faculté en a fait partie intégrante. Mais cessons d’opposer à l’éclatante affirmation de l’histoire des hypothèses qui n’éclairassent rien et embrouilleraient plutôt tout, et encore une fois, quand je me rappelle les admirables lignes où M. Vacherot dans le livre que nous analysons et ailleurs, exprime sa dévotion pour le seul Dieu que sa métaphysique lui permette d’adorer, je ne puis m’empêcher d’admirer qu’une telle intelligence ait pu admettre comme possible l’extinction du sentiment religieux proprement dit dans l’âme humaine.


III

Quand on passe du consciencieux et intéressant ouvrage du métaphysicien français au livre non moins consciencieux, mais d’une lecture moins agréable de M. Otto Pfleiderer, on change brusquement d’atmosphère. Au lieu des considérations prudentes, des essais, des tâtonnemens scrupuleux de l’écrivain qui aime la vérité par-dessus tout, qui sait la dire très nettement telle qu’elle lui apparaît, mais qui ne peut s’empêcher d’en redouter les effets sur la multitude mal préparée, et n’avance qu’avec circonspection, pas à pas, s’efforçant de guérir d’une main les blessures qu’il fait de l’autre, nous voyons un jeune chevalier de la philosophie religieuse qui s’avance hardiment dans le champ clos, sûr de lui-même, ne ménageant rien ni personne, parfaitement émancipé des traditions ecclésiastiques, et charmé cependant de se sentir en communion sympathique avec toutes les évolutions religieuses du passé. En critique, M. Pfleiderer se rattache à l’école de Tubingue, amendée par les travaux de ses plus jeunes adeptes. En histoire, il est de l’école ethnologique, qui fait intervenir la race et le climat parmi les facteurs des religions antiques ; mais il ne se borne pas à ce point de vue dont on abuse parfois. Il se livre à des comparaisons minutieuses afin de chercher à saisir l’esprit et la genèse de ces religions, de manière à dégager la loi qui préside au développement religieux de l’humanité. En philosophie, ses sympathies évidentes sont pour le théisme spéculatif dont MM. J. A Fichte et Ulrici ont élaboré la théorie. Son ouvrage se divise en deux parties. Dans la première, il s’attaque aux grandes questions métaphysiques de l’ordre religieux, après avoir au préalable tâché