Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 81.djvu/918

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

brochure de M. l’évêque d’Orléans, je puis sentir naître en moi l’envie d’en prendre connaissance pour avoir l’occasion d’admirer l’une des plus impétueuses facondes que je connaisse ; mais, si ce titre indique bien le sujet traité, je n’ai pas besoin d’en savoir davantage pour en prédire la conclusion. Esclave logique de son dogme, l’éloquent prélat ne peut pas lui faire des infidélités d’application. De même, étant données la métaphysique et la logique serrée de M. Vacherot, l’on devait bien penser que ses vues sur la religion n’en seraient que la conséquence prolongée.

Il était possible, il est vrai, de se demander jusqu’à quel point les travaux récens de la critique religieuse, en permettant de mieux saisir les faits réels sur lesquels le philosophe doit faire reposer ses théories, ne l’auraient pas amené à modifier ses vues. M. Vacherot a l’esprit trop compréhensif pour dédaigner les lumières nouvelles que ces libres investigations ont jetées sur cette branche des études philosophiques. On peut même, en s’appuyant sur plusieurs passages de son livre, inférer qu’elles n’ont pas été sans influence sur ses opinions relatives aux origines chrétiennes. Bien plus catégoriquement que l’école dont il est le fils peu soumis, il distingue aujourd’hui entre l’Évangile et le développement dogmatique de l’église, entre le christianisme de Jésus et celui de ses disciples ; mais il faut douter que la critique érudite puisse jamais exercer sur un esprit tel que le sien une action bien profonde. S’il estime la critique religieuse, s’il ne demande pas mieux que de la voir persévérer dans ses laborieux efforts, s’il est très disposé à en recueillir les résultats solides, il n’en fera certainement pas lui-même, et, pour tout dire, il l’estime plus qu’il ne l’aime. Il est avant tout métaphysicien, c’est-à-dire que son esprit est dominé par l’impérieux besoin de pénétrer d’un élan jusqu’au fond des choses, et oublie volontiers les détails concrets pour contempler plus à l’aise l’infini, l’immuable, l’être pur. Quand on pense avoir trouvé l’explication suprême de toute chose, on ne songe pas à la modifier pour quelques faits compris un peu autrement aujourd’hui qu’hier, et, si l’on s’occupe de ces faits, ce sera plutôt pour les plier à son système que pour le modifier.

Qu’enseigne, au point de vue religieux, la métaphysique de l’éminent écrivain ? On a voulu faire de lui un athée, et l’on a été bien injuste. L’athée est celui qui nie le principe souverain des choses, et M. Vacherot en proclame hautement la réalité. D’autres, avec un peu moins d’arbitraire, l’ont taxé de panthéisme ; cependant, comme il le fait observer avec raison, le panthéisme réel consiste à identifier absolument le monde et Dieu, ce à quoi M. Vacherot se refuse. Que, les principes de sa théologie une fois admis, le