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qu’une force sérieuse venait de leur être opposée ; les fabricans, mieux appuyés, pouvaient se montrer plus concilians : aussi, les arrangemens devinrent-ils désormais faciles. Une conférence entre deux délégués, de la chambre de commercent six fabricans de rubans, suffit pour donner aux passementiers une satisfaction, dont ils parurent se contenter : les petits salaires de 1 fr.. 50 ; cent., étaient portés à 2 francs, les versemens réciproques, à la caisse d’épargne étaient rétablis, mais les fabricans entendaient que ces concessions ne pussent se rattacher en rien aux sommations collectives, qu’on leur avait faites au nom des ouvriers, et déclaraient une fois de plus qu’en aucun temps et dans aucune circonstance ils n’acquiesceraient à de telles façons de traiter. Les passementiers acceptèrent l’augmentation sans discuter le commentaire. Avec les teinturiers, la négociation éprouva plus de difficultés. Avant tout examen, M. Clavel, le principal entrepreneur, signifia que ceux de ses ouvriers dont les noms figuraient sur les listes de l’Association internationale eussent à s’en démettre avant le premier jour de paie, qu’autrement il aviserait. Au jour dit en effet, le 26 décembre, les ateliers étaient disposés comme pour un chômage ; point de travail en préparation, un nettoyage au complet. C’était une menace contre les adhérens obstinés de l’association ; dans l’après-midi, la paie faite, chacun de ces derniers reçut son congé, et comme d’habitude, le reste de l’atelier fît cause commune. Rien de grave en tout cela : un dernier feu de paille. À vrai dire, personne ne voulait d’une grève, pas plus les patrons que les ouvriers ; parmi ceux-ci surtout, c’était à qui prêcherait le maintien du travail. Moyennant une augmentation de salaires (50 cent.), l’affaire des teinturiers fut donc arrangée le 4 janvier, et au lieu d’emporter de haute lutte l’épuration de ses ateliers, M. Clavel dut y procéder par des triages successifs. Au bout de quelques semaines, les élémens les plus réfractaires avaient disparu, et la paix régnait chez lui comme dans les autres établissemens de Bâle. Qu’il ne couve pas là-dessous quelques colères, personne n’oserait le garantir ; mais dans les dispositions où sont les ouvriers, l’industrie n’a plus que des répits, et l’on doit regarder comme des grâces d’état ceux que lui procure la force des choses.


II

Les émotions de Bâle étaient à peine calmées que Genève s’agita. On devait s’y attendre ; c’était partie liée et des mêmes mains. Comment en douter quand les fils électriques jouaient entre les deux villes pour tenir la résistance en haleine ? « Soyez, fermes,