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Pour les heures supplémentaires, c’était 50 centimes par heure, plus le vin. Aux travailleurs sans ouvrage, il serait bien d’allouer une moitié de paie, comme aussi, en temps de crise, de suspendre l’emploi des machines pour en revenir au travail à la main. Un ouvrier tombait-il malade, le patron lui devait moitié paie jusqu’à sa guérison ; était-il estropié, le patron avait le choix entre une pension de 10 francs par semaine ou un emploi rétribué pour le restant de ses jours ; quand la mort suivrait l’accident, la pension serait réversible sur la veuve. Plus d’amendes d’ailleurs, et seulement un apprenti par dix hommes faits ; enfin les jours fériés devaient être payés à l’ouvrier, et on avait bien soin de comprendre dans le nombre le lundi gras, le mercredi des cendres, et ce dernier jour de la foire d’automne à l’occasion duquel s’était élevé le conflit.

Évidemment on en était au chapitre des prétentions chimériques ; le modeste programme des passementiers n’était plus qu’un jouet d’enfant devant cette machine de guerre. C’est que peu à peu la raison cédait devant les inspirations de la colère ; on demandait l’impossible de propos délibéré. Dans les lieux publics fréquentés par les ouvriers, on ne ménageait ni les défis ni les menaces. Il était temps d’aviser, de montrer que dans tous les cas les hommes violens trouveraient à qui parler. A la date du 16 décembre, le bourgmestre, M. Burckhardt, sortit du rôle à peu près passif qu’il avait gardé jusque-là, et adressa un appel aux bons élémens que renfermait la cité. Après avoir parlé comme il convenait de la crise industrielle et des souffrances qui en étaient la suite, il en arrivait à déplorer l’agitation qui en aggravait les maux et prenait son point d’appui dans une association secrète animée par le souffle de l’étranger. Pour se garder contre toute surprise, il était opportun que l’esprit national se dégageât de ces causes de pervertissement, et maintînt inviolable le respect de l’ordre et des lois. A tout événement, le bourgmestre traçait aux hommes de bonne volonté la marche qu’ils auraient à suivre. Des points de réunion étaient indiqués par quartiers, et il suffisait de s’y rendre sans uniforme, au premier signal d’alarme ; on y trouverait des chefs pour exercer le commandement. Le bourgmestre espérait d’ailleurs que ces convocations ne seraient pas nécessaires, et qu’à plus forte raison il n’y aurait pas lieu de réclamer contre des troubles éventuels l’appui des cantons confédérés.

Les journaux que soldait la ligue des ouvriers n’ont ménagé après coup au manifeste de M. Burckhardt ni les gros mots ni les quolibets. Le fait est que la publication de cette pièce fut suivie d’un apaisement à peu près instantané ; du jour au lendemain, Bâle eut une tout autre physionomie. Les ouvriers avaient compris