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d’actes coupables la justice de Dieu qui la menace, une ville où le crime s’appuie sur l’autorité des lois, et qui a banni le très heureux Jean, la colonne de l’église, la lampe de la vérité, la trompette du Seigneur ? Tu demandes que je prie pour elle ; mais tu le demandes à un esprit trop accablé d’affliction par l’excès des maux qu’elle a commis. » il lui dit encore dans une autre lettre : « Tu as banni Jean, la plus grande lumière de la terre sans en avoir aucune raison, et pour t’être laissé aller trop légèrement aux mauvais conseils de quelques évêques dont le cœur n’est pas sain. Songe donc à toi, et après avoir privé l’église catholique des pures et saintes instructions qu’elle recevait de lui, reconnais du moins la faute et repens-toi. » Arcadius ne se repentit point. Les fléaux de la nature s’étaient calmés, et le prince, avec son insouciance habituelle, reprit le train des affaires, trouvant plus doux les mauvais conseils de ses flatteurs que les dures paroles qui lui venaient du Sinaï. Bientôt même, sous ses nouveaux maîtres, il oublia le gouvernement d’Eudoxie. La persécution ne vivait plus ; mais l’esprit de persécution, des passions jalouses et haineuses subsistaient toujours, et continuèrent à pousser le faible empereur dans la voie où elles l’avaient jeté.

Cependant Arsace mourut le 1er novembre 405, dans le seizième mois de son épiscopat et la quatre-vingt-deuxième année de son âge, laissant le siége de Constantinople vacant pour la seconde fois depuis le départ de Chrysostome. On ne le pleura guère : les persécutions de son début ajoutées à l’inactivité du reste de sa vie ne lui méritaient ni les larmes des orthodoxes ni celles des schismatiques. On peut lire encore le jugement des contemporains sur son compte dans une sorte d’oraison funèbre burlesque recueillie par un écrivain des temps postérieurs. « Arsace mourut donc après avoir vécu seize mois sur le siége épiscopal sans y avoir fait œuvre d’homme vivant, lâche et engourdi qu’il était par nature, ou plutôt il n’existait plus depuis longtemps quand la mort le visita. Ô honte ! quel successeur, et de qui ? Un vieux tronc substitué par un caprice des princes d’un rameau vigoureux et florissant, un vieillard de quatre-vingts ans meilleur à placer sur un tombeau que sur un trône, un fou et un sot, inepte quand il parlait, stupide quand il voulait penser à quelque chose de raisonnable plus comparable à une pierre, à une bûche qu’à un être animé, digne tout au plus de passer sa vie dans le coin d’une chambre ou dans un lit, inutile à lui-même et aux autres, et indigne de regret. Tel fut Arsace, et tel il sortit de ce monde. »

On ignore si l’évêque Sévérien ou quelque autre de la faction des sycophantes de Jean se présenta aux suffrages du peuple et du