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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


enhardirent les brigands, toujours aux aguets : ils essayèrent des courses du côté de la Cilicie et jusqu’en Syrie. Leur apparition sur un point avait suffi pour répandre l’épouvante sur tous les autres, et tout le long de la route, depuis Nicée, Chrysostome avait entendu parler des Isaures. Il avait espéré pourtant leur échapper et atteindre son domicile futur de Gueuse avant que ces bandes, qui s’étaient portées jusqu’alors vers l’ouest et le midi, eussent changé la direction de leurs ravages.

À ce cri, « aux armes, voici les Isaures ! » tous les habitans de Césarée, jeunes ou vieux, coururent aux remparts ; la garnison, le tribun en tête, fit une sortie contre les bandes disséminées dans la plaine ; avant le coucher du soleil, ces braves et agiles soldats avaient tout balayé et refoulé les brigands dans la montagne. Cette journée fut pour la ville pleine d’émotion ; on y pourvut en toute hâte à des travaux de défense, car on ne doutait point que les fourrageurs qui venaient de se montrer ne formassent l’avant-garde d’une troupe plus considérable. De son côté, l’escorte de Chrysostome avait achevé ses préparatifs et se disposait à partir ; mais celui-ci se trouva pris d’un redoublement de fièvre, et d’ailleurs la circonstance invitait peu à se mettre en route. L’escorte se décida donc à rester quelques jours encore.

La nuit se passa tranquillement ; le lendemain matin, à l’aube du jour, un vacarme effroyable se fit entendre dans le quartier habité par l’exilé et précisément devant sa maison. Ce vacarme était occasionné par une horde de plusieurs centaines de moines armés de pierres et de bâtons qui venaient enfoncer la porte de l’étranger, le jeter dehors avec ses gardes et les forcer de quitter à l’instant Césarée. Ils poussaient des clameurs féroces et menaçaient de les brûler vifs avec la maison, s’ils ne se mettaient en devoir de partir. Les prétoriens tinrent bon et défendaient l’entrée ; mais les moines leur crièrent qu’ils n’avaient pas peur d’eux, qu’ils en avaient assommé bien d’autres, et ils brandissaient leurs bâtons avec des gestes insultans. Vainement les officiers de l’escorte essayèrent de parlementer avec ces furieux, leur expliquant que le prisonnier était malade et pouvait à peine se traîner, que d’ailleurs les Isaures occupaient la route qu’il devait suivre ; les moines les interrompaient, criant à tue-tête : Qu’il s’en aille, qu’il parte ! Instruit de ce qui se passait, le préfet de la ville, Carterius, se rend à la maison de Chrysostome afin de lui porter secours, et quelques notables le suivent. Il veut faire entendre raison aux moines ; ceux-ci le repoussent comme ils avaient repoussé les officiers de l’escorte. Convaincu par tout ce qu’il voyait, par tout ce qu’il apprenait, que l’évêque de Césarée était le vrai provocateur du