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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


l’énormité de l’accusation ; les évêques ne reculèrent pas. Antiochus, Acacius, Cyrinus, Sévérien, en un mot les sycophantes de Jean, (qualification que leur inflige l’histoire), envoyèrent au pape Innocent une relation dans laquelle ils dénonçaient l’archevêque comme le destructeur de sa propre église, et cette odieuse dénonciation resta annexée aux pièces que le pape réunissait à Rome en vue du concile œcuménique.

2o  Les coupables étaient des païens et des Juifs qui, au plus fort du tumulte dont le départ de Chrysostome avait été suivi dans l’intérieur de Sainte-Sophie, voyant tant de chrétiens rassemblés dans une même enceinte, avaient eu l’idée infernale de les brûler tous avec leur église.

Cette version venait évidemment des chrétiens ; mais elle prit peu de consistance comme invraisemblable, et ne figura point dans l’instruction judiciaire qui s’ouvrit bientôt. Il était peu croyable en effet, vu le peu de distance qui séparait la grande Curie de la basilique chrétienne, que des païens se fussent imaginés d’allumer dans celle-ci un incendie qui pouvait aisément gagner l’autre et détruire, avec leur plus beau temple, leurs simulacres les plus révérés.

3o  C’étaient des joannites du peuple qui avaient commis le crime, par vengeance, pour punir la ville et l’empereur des violences exercées contre leur idole, et faire que nul autre évêque ne vînt occuper le siége de Jean.

Cette version devint la plus accréditée : elle servit de base à l’enquête des magistrats, et elle est restée dans l’histoire comme la plus probable ; plus d’un écrivain ecclésiastique n’hésite même point à l’admettre. L’hypothèse du reste était très dangereuse comme base d’une information judiciaire, car le soupçon, n’attaquant personne en particulier, attaquait tout le monde, et on se trouvait conduit presque malgré soi à englober de hauts et respectables personnages dans la complicité d’un crime que pouvaient avoir commis quelques furieux aveuglés par le fanatisme. L’idée d’un complot en ressortait naturellement, et c’est ce que, avec une grande bonne volonté, exploita le zèle des magistrats romains.

4o  Une quatrième version circula encore à côté des trois autres ; mais celle-ci provenait manifestement d’amis exaltés de l’archevêque, admirateurs de sa sainteté comme de son génie, et qui se le représentaient entouré déjà de l’auréole céleste. Cette version était celle-ci : on avait vu, pendant la tempête qui ébranlait la basilique du faîte jusqu’aux fondemens, la voûte s’entr’ouvrir et une colonne de feu descendre sur le trône épiscopal, embraser ce trône et se répandre de là en longues spirales de feu dans toutes les parties de l’édifice. Cette hypothèse qui faisait Dieu même auteur