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cellule qui sent et pense, disent les physiologistes, qui sera-ce donc ? Est-ce cette entité métaphysique à la façon de Platon et de Descartes que vous nommez l’âme, c’est-à-dire un être incompréhensible qui est dans le corps sans y avoir un siège, et dont toutes les fonctions deviennent impossibles par la suppression de tel ou tel organe ? — Ceci est une autre thèse qui est du domaine de la métaphysique. Restons pour le moment dans le sens commun et dans l’expérience intime. Il nous semble que nos physiologistes vont bien vite dans leurs conclusions. Parce que, dans l’étude des phénomènes physiologiques, tout se réduit à la distinction de l’organe et de la fonction, ils ne voient pas autre chose dans l’analyse des phénomènes psychiques. L’expérience physiologique leur en donne-t-elle le droit ? Nullement, car cette expérience ne va, ne peut jamais aller au-delà de la condition des phénomènes. Que tout phénomène psychique ait sa condition dans l’organisme, c’est ce qu’elle a démontré. Que cette condition soit en même temps la cause, c’est ce qu’elle ne peut constater ni directement ni indirectement, ce qu’on ne peut conclure que par une induction tout à fait illégitime et même contraire à l’expérience physiologique, ainsi que nous le ferons voir plus tard. En tout cas, rien n’est plus contradictoire au témoignage de la conscience qu’une pareille conclusion. L’école dont nous parlons oublie l’être de la conscience, l’individu, le moi sujet et cause véritable de tous les phénomènes de la vie psychique, sinon de la vie physiologique. C’est cet être seul pourtant qui vit, sent, pense et veut ; ce n’est point tel ou tel organe, si important qu’il soit, même l’organe central par excellence qu’on nomme le cerveau. Telle est la grande erreur de l’école physiologique. Pour elle, le moi n’est qu’un mot ; l’être un, indivisible, identique, personnel, que nous atteste la conscience n’est qu’une abstraction. En réalité, ce n’est qu’un être collectif, c’est-à-dire la simple réunion des organes. C’est l’organe ou plutôt l’élément organique qui est l’être véritable, le sujet et la cause de tous les phénomènes biologiques. Nos physiologistes ne comprennent, ne soupçonnent pas autre chose, ne voyant la vie psychique qu’à travers le jeu des organes cérébraux.

Voilà le principe d’une doctrine qui contredit l’a la fois le langage et le sens commun. Les physiologistes ne tiennent aucun compte du témoignage du sens intime, ne le regardant point comme une donnée de science positive et d’expérience véritable. Le peu de psychologie qu’ils mêlent à leurs explications physiologiques, c’est à l’observation comparée qu’ils la tiennent. Or ce genre d’observation n’a pour objet que les caractères communs à l’homme et aux animaux supérieurs. Quand MM. Vulpian et Lhuys parlent de