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est acquis que les facultés ont leurs conditions d’exercice dans les organes ; mais il est également certain que l’activité de ces facultés est proportionnée au degré de développement de ces organes. Il est encore difficile, dans l’état actuel de la science, de constater la supériorité ou l’infériorité du cerveau par un signe précis et constant. Les signes extérieurs et apparens, comme le volume et même la conformation de l’organe cérébral, ne suffisent pas. La mesure de l’angle facial a son importance quand il s’agit de notables proportions, comme dans la classification des races humaines ; mais jusqu’à ce que l’analyse anatomique et même chimique de la substance cérébrale nous ait appris le dernier mot sur cette question de la qualité relative des cerveaux, on n’en pourra juger que d’une manière générale et superficielle. Ce qui n’est pas douteux, c’est que la constitution ou la conformation de l’organe entre pour une large part dans l’explication de l’état supérieur ou inférieur de la vie psychique, quel que soit d’ailleurs le rôle des causes morales, comme l’éducation, l’habitude, la société. C’est encore un résultat obtenu par la physiologie, au moyen de l’observation comparée, et qu’un spiritualisme sensé ne conteste point.

Si de ces expériences et de ces observations l’école physiologique concluait simplement à la correspondance absolue des deux ordres de phénomènes, des deux vies physiologique et psychique, il n’y aurait pas lieu à contradiction ; mais faut-il accepter avec cette école comme choses démontrées expérimentalement que la physiologie seule peut définir et expliquer les opérations de l’esprit, que les phénomènes psychiques se réduisent aux phénomènes cérébraux, que c’est la cellule qui pense et qu’il n’y a pas d’autre sujet ni d’autre cause de la pensée, que la volonté n’est qu’une sorte de mouvement réflexe. De l’activité cérébrale, que le libre arbitre n’est qu’une illusion, qu’enfin tout rentre pour la vie psychique, comme pour le reste, dans cette grande loi de la nature qui se nomme le déterminisme universel ? C’est ce qu’il nous reste à examiner. Toutes ces affirmations se ramènent à trois thèses principales, — confusion des phénomènes psychiques et des phénomènes cérébraux, — substitution de la méthode de statistique psychologique à la méthode d’intuition immédiate et directe dans la définition des phénomènes psychiques, — explication du moral par le physique en vertu de l’axiome dynamique de la résultante des forces.

En disant que certains physiologistes confondent les phénomènes psychiques avec les phénomènes cérébraux, nous ne voudrions pas exagérer la portée de cette confusion. Sans doute quand Cabanis définit la pensée une sécrétion du cerveau, quand M. Vulpian définit la volonté un pur mouvement réflexe, quand M. Lhuys parle