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hostilités irréconciliables par de larges satisfactions données à la masse du pays, de combattre la révolution par la liberté. Cela vaudrait mieux à coup sûr qu’une immobilité expectante suivie de concessions partielles et trop longtemps attendues. Ainsi donc, qu’on tourne les regards vers le gouvernement ou vers les partis, les élections dernières n’ont point changé essentiellement les conditions de notre politique intérieure. Pour les partis, il y a la même nécessité de proportionner leur action aux circonstances, de ne pas courir les hasards en risquant la liberté pour le plaisir de se dire irréconciliable. Pour le gouvernement, il y a la même obligation de ne pas s’arrêter, de dérouler de sa propre main ou de laisser se dérouler les conséquences d’une politique au bout de laquelle est le rétablissement du régime représentatif dans toute son intégrité, avec toutes ses garanties. Maintenant cette situation est-elle près de s’éclairer plus complètement ? Elle se dessinerait à demi sans doute, s’il y avait une prochaine session. Jusqu’ici, rien ne semble décidé sur ce point ; on ne sait encore si le corps législatif sera réuni d’ici à trois semaines, ou si sa convocation sera ajournée au mois d’octobre, et dans tous les cas la session qui pourrait avoir lieu prochainement se bornerait strictement à la vérification des pouvoirs ; elle s’ouvrirait sans discours impérial, les grandes discussions seraient réservées pour l’hiver. Une chose est certaine désormais, c’est que les périodes de repos comme les périodes de lutte ne peuvent que conduire à la liberté, comme à la garantie la plus efficace de sécurité et de paix intérieure.

Quoi qu’il en soit, voilà pour le moment une grave question tranchée par les élections françaises. Il resterait à se demander quelle influence le résultat de ce vote du 24 mai pourrait avoir sur l’ensemble des affaires de l’Europe ; mais ici ce n’est plus seulement en France qu’est la question, elle est partout où s’agitent des intérêts qui ont quelque rapport avec le mouvement européen. Elle est surtout en Allemagne, où l’on trouvait tout récemment l’occasion de dire que les Français étaient provisoirement assez absorbés par l’élection de leur corps législatif pour ajourner « d’autres affaires dont en d’autres temps ils aiment à s’occuper. » Si les Français aiment à s’occuper de ces affaires dont on parle, c’est qu’ils y ont des intérêts, non certes des intérêts incompatibles avec la légitime grandeur nationale de l’Allemagne, mais enfin des intérêts de sécurité et d’influence, et on peut remarquer comme un fait curieux que, dans le moment même où se faisaient nos élections, M. de Bismarck signait une convention autorisant les Badois, les habitans du grand-duché de Hesse, à faire leur service militaire dans les armées prussiennes. Ce n’est au surplus qu’un incident qui était assez prévu et qui n’avance pas de beaucoup l’unification de l’Allemagne. S’il ne fallait que la volonté du grand-duc de Bade, il y a longtemps que ce petit pays serait fondu dans la confédération du nord, c’est-à-dire dans la Prusse ; mais, par une étrange combinaison qui n’est pas habituelle, à Bade, c’est le souverain