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faiblesse, c’est là ce qui nous manque. Ce que peut la démocratie radicale pour nous rendre cette liberté nécessaire et toujours difficile à préserver, nous ne le savons pas, l’expérience ne plaide pas jusqu’ici en sa faveur ; mais ce qui est assurément aujourd’hui dans les instincts et dans les besoins de la société française, c’est une vraie et sérieuse démocratie libérale, sensée et active à l’intérieur, ne redoutant aucun problème, jalouse de ses franchises sans disputer sans cesse aux gouvernemens leur existence, respectueuse à l’extérieur pour tous les droits, mais en même temps patriotique, généreusement éprise de la grandeur française, une démocratie enfin intelligente, prévoyante, vivifiée, fortifiée par le sentiment supérieur de la liberté et par le sentiment national.

Et qu’on ne dise pas que c’est là un rêve d’un autre genre. Si on étudiait sans parti-pris les résultats du dernier scrutin, on trouverait sans peine qu’il donne raison à cette politique. Sans doute, à la surface, la France paraît ballottée entre le torrent des candidatures purement officielles et le torrent des candidatures radicales, entre le courant révolutionnaire qui vient de Paris et le courant conservateur qui vient de la province. Les candidatures modérées n’ont pas eu le dernier mot du scrutin, c’est vrai. Au fond, la majorité réelle, c’est cette masse d’électeurs sensés et indépendans qui ont disséminé leurs voix dans toute sorte de candidatures, qui se sont portés tantôt à droite, tantôt à gauche sans s’aliéner, et qui par le fait ne veulent que deux choses essentielles, supérieures, la liberté sérieuse et complète sans révolutions, la grandeur de la France sans provocations inutiles, mais, aussi sans faiblesse devant des complications où son influence serait encore une fois atteinte. Voilà ce que nous voyons pour notre part, la France libre en paix avec elle-même, et la France maintenant au dehors le prestige de son nom et de ses traditions.

Bon gré mal gré, il faudra bien en venir à se placer sur ce terrain, car la vérité est là, et en définitive on y viendra, parce qu’on ne peut guère faire autrement, parce que, pour les partis comme pour le gouvernement, il y a des politiques qui tiennent à la nature des choses, qui s’imposent avec un tel caractère d’évidente nécessité, qu’on ne peut s’y soustraire sans jeter dans d’absurdes hasards la cause qu’on veut servir. Les radicaux élus à Paris se sont créé une situation assez peu commode, assez délicate, par leurs déclarations de guerre, par les engagemens qu’ils ont pris dans les réunions publiques. A la première parole qui pourrait ressembler à un désarmement, même momentané, ils s’exposent à d’étranges récriminations de la part de ceux qui ne les ont choisis que parce que l’ancienne opposition était trop modérée. En fin de compte, que peuvent-ils faire ? Déclarer d’avance sur l’interpellation des électeurs qu’on n’acceptera pas un ministère, passe encore, on n’en est pas là, et il est peu probable qu’Artaxercès roule dans sa tête le projet d’un ministère