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vivante revendication contre le 2 décembre. M. Émile Ollivier n’a plus rien à faire à Paris ; élu dans le Var, Il est battu dans la troisième circonscription parisienne et remplacé par M. Bancel. M. Émile Ollivier méritait bien cette leçon, à ce qu’on assure, parce qu’il est allé aux Tuileries, parce qu’il a traité avec Artaxercès, parce qu’il a déserté les rangs démocratiques et trahi le drapeau porté dans l’exil par son père ! Soit, il n’y a plus à revenir là-dessus : M. Émile Ollivier et M. Bancel ne sont probablement pas près de se convaincre mutuellement, quoiqu’ils doivent se retrouver en présence dans le corps législatif ; mais M. Carnot, M. Garnier-Pagès, n’ont rien trahi, ce nous semble, ils ne sont pas allés aux Tuileries, ils n’ont pas conversé avec Artaxercès, et ils ne s’en trouvent pas mieux. L’un est resté sur le champ de bataille, vaincu par les siens ; l’autre en est à disputer son élection au prochain ballottage… — Ah ! ceux-ci, ils sont trop vieux, dit-on, il faut rajeunir la démocratie par un sang nouveau, il faut faire de la place aux jeunes ; c’est fort bien dit, et du coup on va tirer de l’oubli le plus vieux débris de toutes les conspirations, un de ceux qui ont porté le 15 mai la première atteinte à la république de 1848, — un revenant d’on ne sait quelles catacombes démocratiques, M. Raspail en personne, qui est déjà élu à Lyon, qui voudrait l’être également à Paris, où il maintient ses prétentions contre l’orléaniste M. Garnier-Pagès, et ce radicalisme fringant a un tel amour de la jeunesse que dans une autre circonscription de la France il a pour candidat, nous assure-t-on, un estimable vieillard de plus de quatre-vingts ans qu’il faut servir comme un enfant. La démocratie, pour faire son chemin, a besoin de bien des choses, sans parler de la jeunesse, qui n’est jamais de trop ; elle a besoin de l’autorité du talent, de l’éloquence, de l’expérience des affaires publiques, et en ce moment même les enfans perdus de la démocratie se démènent de leur mieux pour empêcher l’élection de M. Thiers et de M. Jules Favre, qui se trouvent menacés d’être exclus du corps législatif. Les deux défenseurs des libertés françaises seront nommés malgré tout, nous n’en doutons pas, nous le souhaitons pour la dignité du pays, pour la dignité de leurs électeurs, bien plus que pour le plaisir de ces proscrits de l’éloquence ; mais, convenez-en, n’est-ce pas là un côté à la fois comique et triste de ce mouvement électoral ? M. Thiers mis en balance avec M. d’Alton-Shée dans la deuxième circonscription de Paris, M. Jules Favre totalement éclipsé par M. Raspail à Lyon, tenu en échec par M. Henri Rochefort dans la septième circonscription parisienne, tel. est le dernier mot de cette belle campagne démocratique !

Encore une fois, que signifient donc ces élections de Paris, où se mêlent les contradictions, les iniquités, les légèretés ? Par elles-mêmes, elles ne peuvent rien produire, elles ne sont qu’un symptôme, une protestation confuse et tumultueuse ; elles n’ont que la valeur d’un acte tout