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La sève en gommes d’or tremble aux nœuds de la branche,
La terre grasse exhale un parfum de santé,
Son sein gonflé de lait comme un ruisseau s’épanche.

Plénitude, salut ! Forêts, fleuve argenté,
Blés verts, salut ! Midi, roi des heures sereines,
Et toi, midi de l’an, pourpre et royal été,

Salut ! vous répandez de fécondes haleines,
Et je sens par momens s’infuser dans mon sein
La gaîté de la source et la vigueur des chênes.

Oh ! la santé, la joie et la force ! L’essaim
Des rapides désirs et des jeunes pensées
Bourdonnant dans un corps harmonieux et sain !…

Heureuse l’alouette aux notes cadencées
Qui fuit allègrement en plein azur ! Heureux
Les robustes nageurs, parmi les eaux glacées,

Dans la fraîcheur du bain trempant leurs bras nerveux !
Et près des peupliers aux frissonnans murmures,
Mille fois plus heureux encor les amoureux,

Qui marchent triomphans sous les molles ramures !
Ils montent vers les bois épanouis ; là-bas
Les taillis ont pour eux des champs de fraises mûres.

L’amour luit dans leurs yeux et sonne dans leurs pas,
Non point l’amour tremblant qui doute et qui soupire,
Mais le dieu qui n’a plus à livrer de combats,

Et qui, sûr de lui-même et sûr de son empire,
Sans désirs étouffés comme sans vains regrets,
N’est jamais las d’aimer, jamais las de le dire…

Les voici cheminant dans la paix des forêts.
En bas, la mousse étend ses tapis ; la ramée
Dresse là-haut ses toits mobiles et discrets.

Une lumière fine et tendre, clair-semée,
Allume doucement les regards de l’ami
Et glisse sur le col frais de la bien-aimée.

Tout au loin, la futaie en s’ouvrant à demi,
Par-delà des rideaux de bruyère empourprée,
Laisse voir un étang sous les joncs endormi.

Voici la solitude et l’heure désirée
Des propos amoureux et des oaristys ;
Les yeux cherchent des yeux la caresse adorée.