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LES SAISONS

I. — PREMIER SOLEIL.


Jeunes tous deux, elle charmante,
Ils erraient aux bois en hiver ;
Sous sa voilette transparente
Luisaient ses yeux couleur de mer.

Dans la mousse et les feuilles sèches
Ils suivaient un étroit sentier,
Et sur leurs fronts pleuvaient les flèches
D’un soleil déjà printanier.

Pas une pousse verte encore
N’apparaissait dans le fourré ;
Mais on voyait comme une aurore
D’avril dans le ciel bleu nacré.

L’oiseau pépiant sur la branche,
Les langueurs de l’air attiédi,
Le son des cloches du dimanche
Qu’apportait le vent du midi,

Tout ne formait qu’une harmonie…
Ils marchaient, et l’enivrement
De cette musique infinie
En eux pénétrait lentement.

Soudain pâlissante, alourdie,
Sa tête blonde s’inclina :
« Le soleil m’a presque étourdie, »
Fit-elle, et son corps frissonna.

Ses longs cils, comme une dentelle,
S’abaissèrent sur ses grands yeux.