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de prix, met en lumière les deux côtés les plus brillans de son talent : il a la note algérienne et la note antique ; mais il comprend et rend surtout avec bonheur les sujets simples et familiers, les scènes de mœurs intimes. Son Conteur arabe est parfait en ce sens, et la Promenade à Pompéi excellente. M. Brion n’est pas inférieur à lui-même dans le Mariage protestant en Alsace ; mais il n’a fait aucun progrès. Peut-être même sa couleur est-elle devenue moins sympathique aux yeux en voulant être plus riche. M. Toulmouche poursuit sa route en compagnie des plus jolies, des plus mignonnes et des plus fraîches Parisiennes ; M. Saintin marche derrière lui à quelque distance ; M. Sain exploite une mine de bon dessin et de couleur chaude qu’il a découverte à Capri. M. Tissot n’a pas fini de dépenser son esprit et son goût à des compositions distinguées, mais où tous les détails affectent une égale importance et se logent au même plan, sans que les têtes puissent se croire mieux dessinées que les meubles, les feuilles ou les assiettes. M. Ranvier, comme toujours, étale un coloris délicieux sur un dessin des plus médiocres ; M. Brandon effleure d’une touche piquante et hardie des sujets où l’observation frise la caricature ; M. Edouard de Beaumont applique la facture la plus délicate à des conceptions trop ingénieuses parfois ; M. Hector Leroux enveloppe l’art néo-grec dans une sorte de sentimentalité moderne, et M. Lecomte-Dunouy poursuit le même idéal que M. Leroux. M. Firmm Girard, dans son tableau intitulé une Maladresse, a l’air d’un homme que les lauriers de M. Caraud empêchent de dormir ; son autre composition, Surpris par l’orage, tombe dans la grosse charge. M. Jundt, qui ne craint pas le mot pour rire, est aussi spirituel que jamais. Son tableau intitulé : Iles du Rhin, nous montre deux paysannes effarées par la rencontre de deux chevreuils : beaucoup de grâce, une demi-couleur charmante ; la brume et les roseaux dissimulent fort à propos l’insuffisance du dessin, M. Regamey, qui a gagné une médaille en chiffonnant les lourds manteaux de la cavalerie, revient encore à ses manteaux. M. Tournenrine, ami des flamans roses et des éléphans énormes, s’est donné le plaisir de harnacher ses puissans modèles : il nous montre des éléphans de gala dans leurs plus beaux atours. M. Viger cultive toujours avec succès l’archéologie intime de 1810. Ces souvenirs d’une précision savante et parfois puérile exhalent un parfum de fleur fanée qui doit faire pâmer les survivans de l’époque. Pour nous qui sommes les vivans, il serait temps peut-être que M. Viger essayât d’une couleur plus moderne et d’un faire moins sec. On n’a que trop copié depuis vingt ans les erreurs et les ridicules du premier empire. Les tableaux de M. Viger, tels qu’ils sont, méritent la médaille de Sainte-Hélène ; un peu plus de chaleur et de vie leur permettrait d’en disputer une autre. M. Chenu, bon