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LE
SALON DE 1869


I

Au moment où l’exposition de 1860 ouvrait ses portes à la foule, le Journal Officiel publiait un travail intitulé : Progrès de la France sous le gouvernement impérial. Le chapitre XI de cette apologie est consacré aux beaux-arts. Il nous apprend, avec une naïveté digne d’un autre régime, que l’empereur a cru marquer sa sollicitude pour les arts en les détachant du ministère de l’intérieur, et les faisant entrer dans un département plus domestique. « Une somme de plus de 16 millions a été consacrée — en seize ans — à des commandes, à des acquisitions et à des subventions qui se sont réparties entre plus de 2,000 artistes. Plus de 5,380,000 objets d’art, tableaux, statues, gravures, etc., leur ont été commandés. » Voilà des chiffres assez beaux pour éblouir l’innocent électeur qui les admirera de loin ; si nous les regardons de près, et surtout si nous les comparons entre eux, nous ne pourrons nous empêcher de sourire. Seize millions en seize exercices font un million par an, qui, partagé entre 2,000 artistes, leur donne 500 francs à chacun. Leur donne ? Je me trompe. Les artistes ont payé cette munificence ridiculement cher. Si la logique des princes et des citoyens était la même, l’analyse des chiffres aboutirait de plain-pied à l’absurde ; mais, pour officiel que soit ce témoignage, il serait puéril de le prendre au pied de la lettre. Mieux vaut croire que la surintendance des beaux-arts s’est glorifiée à la légère, avec cette confiance en elle et en nous qui fait les trois quarts de sa grâce.

Elle ajoute, — toujours dans le même document, — que « les expositions des œuvres des artistes vivans sont devenues annuelles,