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22 juin, M. de Meysenburg, qui avait remplacé M. Crivelli, croit pouvoir ajouter que, si « ce langage paraît austère à première vue, on ne saurait toutefois méconnaître que, comparé à beaucoup d’autres documens de même nature émanés du saint-siège, il ne laisse pas de porter l’empreinte d’une certaine tendance à tempérer les expressions autant que le permet le point de vue invariable de l’église. » Il faut avouer qu’on ne saurait se montrer moins susceptible que l’envoyé autrichien. M. de Beust ne partagea point l’opinion de M. de Meysenburg, et le langage du saint-siège lui parut plus qu’austère. Dans sa dépêche du 3 juillet 1868, il se plaint vivement de ce que l’allocution ait attaqué et condamné les lois fondamentales sur lesquelles reposent les nouvelles institutions de l’empire. Il ne dissimule pas non plus la pénible surprise que lui a fait éprouver l’appel adressé aux évêques hongrois. « C’est surtout, ajoute-t-il, dans l’intérêt même de la cour de Rome qu’il nous paraît peu opportun d’éveiller la susceptibilité nationale des Hongrois. L’apparence d’une pression étrangère produirait chez cette nation un résultat tout contraire aux désirs du saint-siège, et nous verrions se former contre l’influence légitime de la cour de Rome un orage tout aussi fort que celui qui s’est déchaîné de ce côté-ci de la Leitha. » En ce qui concerne les attaques que le pape lance contre les lois fondamentales de l’empire qui n’étaient pas en cause, M. de Beust prend une attitude très ferme. « Le saint-siège, dit-il, étend ses observations à des objets que nous ne pouvons en aucune façon regarder comme relevant de son autorité. Il envenime une question qui n’excitait déjà que trop les esprits en se plaçant sur un terrain où les passions politiques viennent se joindre aux passions religieuses. Il rend enfin plus difficile une attitude conciliante du gouvernement en condamnant des lois qui renferment le principe de la liberté de l’église, et lui offrent une compensation pour les privilèges qu’elle a perdus. » Le chancelier ne se prive même pas de la satisfaction de relever par une légère pointe d’ironie ces sérieuses considérations. « Les populations de l’Autriche trouveront une consolation à se rappeler que plus d’un pays très catholique obéit à des lois analogues, tout en vivant en paix avec l’église, et qu’il existe surtout en Europe un grand et puissant empire dont les tendances vers le progrès et la liberté se sont toujours alliées à un attachement très prononcé à la foi catholique, et qui, régi par des lois tout aussi abominables, s’est trouvé favorisé jusque dans ces derniers temps des sympathies indulgentes du saint-siège. » M. de Meysenburg, comme le comte Crivelli, ne cache point que ses sympathies sont acquises au saint-siège. Il n’est pas jusqu’à l’ambassadeur de France, M. de Sartiges, qui ne se mêle d’une négociation ne concernant point la France, pour conseiller des concessions.