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atteinte de la façon la plus abominable aux droits de l’église, le pape ajoute : « En vertu de l’autorité qui nous appartient, nous déclarons ces décrets nuls et sans force en eux-mêmes et dans tous leurs effets, tant pour le présent que pour l’avenir. Quant aux auteurs de ces lois, à ceux particulièrement qui se flattent d’être catholiques et qui n’ont pas craint de proposer, d’approuver et de mettre à exécution les lois susdites, nous les conjurons de ne pas oublier les punitions spirituelles que les constitutions ecclésiastiques et les décrets des conciles œcuméniques infligent comme devant être encourues ipso facto par ceux qui violent les droits de l’église. » Supposez les populations animées des mêmes sentimens qu’au moyen âge et soumises, comme beaucoup le désirent, à l’autorité ecclésiastique, et une pareille pièce donne le signal de l’insurrection. Les lois étant déclarées nulles, les fidèles ne leur doivent pas l’obéissance, et si tous les citoyens étaient des fidèles, l’autorité des pouvoirs, civils serait anéantie. Quand le chef du culte catholique arrive à prêcher ouvertement la désobéissance aux lois, faut-il s’étonner de l’hostilité que soulève ce culte et que ne provoquent pas les autres communions ? Par des actes semblables, le pape force les gouvernemens les plus modérés, les plus respectueux envers lui, à se mettre en lutte contre l’autorité du clergé, car si cette autorité l’emportait, ils seraient sûrement renversés. Le saint-père et l’épiscopat ne laissèrent passer aucune occasion d’exciter les populations cisleithaniennes contre le gouvernement[1]. Dans son allocution, le pape s’adressa même à l’épiscopat hongrois pour réveiller son zèle un peu tiède en faveur du concordat.

En transmettant un exemplaire de l’allocution du saint-père du

  1. Voici un exemple qui montre de quelle façon la hiérarchie romaine s’efforçait de soulever les populations contre un gouvernement persécuteur de l’église. Vers la fin de l’an dernier, un journal catholique du Tyrol (Tyroler Volksblatt) est condamné pour avoir attaqué les lois confessionnelles. Son rédacteur, l’abbé Oberkofter, mis en prison, envoie au saint-père une lettre accompagnée de cent napoléons, produit de quêtes faites par lui. Le saint-père lui répond : « La lettre que tu nous as adressée de la prison nous a paru recevoir un lustre admirable des tribulations que tu subis. Tu t’es attiré la haine et la persécution de ceux qui ont dévié du chemin de la vérité, parce que tu as combattu pour les droits et la liberté de l’église sans craindre leur colère. Cela t’obtiendra de grandes grâces auprès de Dieu et la louange de tous ceux qui jugent avec équité l’état des choses. Considère, cher fils, que ceux-là sont heureux qui souffrent persécution pour la justice, et réjouis-toi d’avoir été trouvé digne de souffrir pour elle l’injure et l’ignominie. Nous avons la confiance que cette persécution donnera une nouvelle efficacité à tes écrits, ce que nous te souhaitons de tout notre cœur.
    « Pius P. P. IX.
    « 9 décembre 1869.
    Le journal catholique de Vienne, le Volksfreund, qui avait reproduit la lettre du pape, fut saisi et poursuivi pour avoir publié une pièce « qui approuve des actes illégaux, et qui renferme une injure aux tribunaux autrichiens. »