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introduit depuis plus d’un demi-siècle, et cependant c’est l’un des pays du monde où le catholicisme exerce le plus d’empire et est pratiqué avec le plus de ferveur ; elle l’emporte de beaucoup sur l’Autriche sous ce rapport. On devine que des raisons de cet ordre ne peuvent exercer aucune influence sur l’attitude de la cour de Rome, qui s’appuie, dit-elle, sur la tradition immuable de l’église. Elle tolère ce qu’elle ne peut empêcher ; mais jamais, prétend-elle, elle n’a ratifié une législation contraire aux droits de la religion catholique.

Le chancelier de l’empire n’ignorait pas qu’on préparait au Vatican un acte d’éclat. Le pape lui-même devait condamner du haut du siège apostolique les nouvelles lois et lancer une sorte d’excommunication contre ceux qui avaient violé les privilèges ecclésiastiques. M. de Beust essaya de détourner le coup en montrant la situation très difficile où se trouvait le souverain de l’Autriche, tiraillé entre son attachement au pape et les nécessités de son rôle constitutionnel. Le 10 mars 1868, le chancelier écrit au comte Crivelli à Rome : « Et d’abord je vous avouerai sans hésitation que personne ne déplore plus que l’empereur lui-même la situation perplexe qu’on lui a faite en le plaçant entre sa condescendance bien connue pour le siège apostolique et les devoirs que lui impose sa position de chef d’état. Toutefois je vous prie d’être intimement persuadé que, quelque pénible, affligeante même que soit cette position, dès qu’il sera placé entre le respect filial qu’il porte au gouvernement suprême de l’église et ses devoirs rigoureux de souverain envers ses sujets, sa majesté n’hésitera pas à faire ce que sa double profession de prince et de législateur exige impérieusement d’elle dans la conjoncture actuelle. Cette position éminente, l’empereur la doit tout entière à la haute intelligence qu’il a des besoins de ses états, des mœurs laïques et des conditions honnêtement libérales de notre société, et il risquerait de perdre le côté le plus précieux de sa gloire du moment qu’il irait se heurter contre le développement intellectuel de ses peuples et la marche générale de la civilisation moderne. »

Tous les efforts de M. de Beust pour arrêter les foudres pontificales furent vains. Dans le consistoire du 22 juin, le saint-père prononça une allocution destinée à annuler les lois votées par le Reichsrath et sanctionnées par l’empereur. Il condamnait aussi « la loi odieuse du 21 décembre, cette loi qui établit une liberté entière de toutes les opinions, de la presse, de toute foi, de toute conscience et de toute doctrine, qui accorde aux citoyens de tous les cultes la faculté d’élever des institutions d’éducation et qui admet sur le même pied dans l’état toutes les sociétés religieuses, quelles qu’elles soient. » Après avoir montré que les lois nouvelles portaient