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incontestables que l’église tient de Dieu lui-même, et que la tradition catholique consacre. Ce que l’on aurait pu répondre, c’est qu’il est des contrats qui sont nuls eux-mêmes, parce qu’ils portent sur des droits que l’on ne peut aliéner. Un état ne peut pas plus concéder à n’importe qui le droit de régler ses affaires intérieures qu’un homme ne peut s’engager à ne pas suivre les commandemens de sa conscience. Quiconque stipule de pareilles conditions prouve seulement par là qu’il n’a pas une notion claire de ce qui est licite. C’est pour ce motif que tous les concordats sont frappés de nullité et ont toujours été traités comme tels. Aucun état constitutionnel n’en contractera plus, car ils portent sur des matières que le pouvoir civil doit se réserver la faculté exclusive de réglementer, comme l’instruction publique, ou sur d’autres objets dont il ne lui appartient pas de s’occuper, comme la nomination des ministres des cultes. Un souverain absolu traitant sans contrôle et sans mandat ne peut point lier la nation, qui, redevenue libre, jugera dans sa pleine souveraineté quels sont ceux de ces prétendus engagemens qu’il lui conviendra de respecter ou de rompre.

Dans sa réponse au saint-siège, M. de Beust n’exposa point des considérations aussi tranchantes. Il contesta plutôt, comme l’avait fait autrefois Joseph II, les droits que s’arrogeait le saint-siège. Dans sa dépêche au comte Crivelli, du 10 mai 1868, il s’exprime de la façon suivante : « Le droit de régler les liens du mariage, de les casser et de les dissoudre, s’il y a lieu, et d’en tenir registre, a été, depuis les temps les plus reculés de l’église catholique, la prérogative exclusive de la commune. Les anciens canons n’ont jamais considéré le lien conjugal autrement que comme un contrat civil ordinairement béni par l’église. Ils ont reconnu dans la promesse formelle et réciproque du fiancé et de la fiancée de s’épouser le seul titre légitime, efficace et suffisant de la cérémonie nuptiale, entièrement indépendant du concours et de la bénédiction du prêtre. C’est ainsi que les savans auteurs du code Napoléon ont envisagé et résolu cette question avec la tolérance du saint-siège. Les législations d’autres états ont marché depuis en cette matière sur les traces de celles de la France consulaire. Toutes les objections qu’on a voulu soulever contre l’institution du mariage civil se trouvent réfutées par les résultats de l’expérience et les faits de l’histoire. On voudra nous faire croire que cette institution minera parmi nous la foi divine et ruinera la sainteté du lien conjugal. Il n’en sera absolument rien. Elle n’a affaibli ni en France ni en Belgique la foi de l’église et du sacrement du mariage, pas plus qu’en Prusse elle n’a affaibli le sentiment religieux. » Ce dernier argument semble décisif en Autriche, car il a été répété très souvent dans la discussion au sein du Rewhsatlh. Voyez la France, disaient les orateurs ; le mariage civil y est