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les débats parlementaires, examiner les négociations diplomatiques. Elles feront mieux encore apprécier toute l’importance de la révolution pacifique survenue dans l’antique empire des Habsbourg.

Pendant que le ministère cisleithanien présentait et défendait au parlement les lois nouvelles, M. de Beust négociait à Rome pour obtenir que le saint-siège renonçât aux droits exorbitans que lui avait concédés le concordat. L’habile chancelier connaissait-il assez peu le Vatican pour espérer le succès de ces négociations ? Il est difficile de le supposer. Son but était plutôt de désarmer les résistances de la chambre haute et d’adoucir les ressentimens de la cour de Rome en lui montrant la plus extrême déférence ; mais, quant à ce dernier résultat, il fut loin de l’atteindre. Le nonce apostolique à Vienne, M. Falcinelli, adressa le 26 mai 1868 à M. de Beust, au sujet des lois nouvelles, une protestation où les termes les plus vifs, les plus blessans même, n’étaient pas ménagés. Il montrait d’abord que le concordat liait l’empereur, et qu’il ne pouvait s’y soustraire sans manquer à ses engagemens, sans faillir à son honneur. « Le concordat, disait-il, a été conclu librement par deux puissances souveraines, ratifié dans toutes les formes voulues pour donner à un traité toute sa valeur. Les souverains qui l’ont signé se sont engagés à l’observer fidèlement, et ces engagemens solennels ont été pris pour eux et pour leurs successeurs. Verbo cœsareo-regio pro nobis atque successoribus nostris adpromittentes, tels sont les termes mêmes dont s’est servi sa majesté impériale et royale apostolique. Le saint-siège a religieusement tenu ses engagemens ; il avait droit de s’attendre à une juste réciprocité, surtout de la part d’une puissance dont la réputation d’honnêteté est hautement estimée dans le monde entier. »

Le nonce s’efforce ensuite de prouver que les raisons invoquées par le gouvernement autrichien pour modifier le concordat n’ont aucune valeur sérieuse. « Si, dit-il, les motifs que l’on a allégués pour défendre ces lois pouvaient jamais prévaloir dans le monde, il ne serait plus possible de faire des contrats et des traités, il faudrait renoncer à toute idée de droit et de justice. Invoquer la nécessité ! mais la nécessité dont il s’agit est une nécessité factice dont l’œil le moins clairvoyant a pu suivre toute la trame. D’ailleurs « il vaut mieux souffrir toute sorte de nécessités que de commettre une seule iniquité (saint Augustin), » et c’en est une que de violer la parole donnée. Invoquer l’opportunité ! c’est ériger l’arbitraire en principe et abandonner aux caprices de tous les vents l’exécution des engagemens les plus sacrés et les plus inviolables. Se prévaloir des changemens survenus dans l’empire ! ce serait rendre toutes les transactions illusoires et en faire dépendre la violation du bon plaisir d’un seul des contractans. Lorsqu’on viole si facilement les