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organisant l’enseignement, envahit donc le domaine religieux ; il porte atteinte à la liberté de conscience, aux droits des parens qui veulent l’instruction confessionnelle. — Quand l’état était uni à l’église, faisait remarquer le comte Blome à la chambre des seigneurs, on pouvait comprendre qu’il enseignât ; maintenant qu’il se déclare incompétent en matière religieuse, il doit aussi se reconnaître incapable en matière d’instruction. Rigoureusement cette objection est très forte ; mais, quand il s’agit de leur salut, les nations ne se laissent pas arrêter par les déductions logiques d’un principe abstrait. Dès qu’elles aperçoivent ce qui peut les sauver, elles se jettent sur le remède. C’est le maître d’école, non le fusil à aiguille, qui a vaincu à Sadowa ; l’Autriche a été vaincue parce qu’elle s’est trouvée inférieure en intelligence à sa rivale dans tous les rangs et dans tous les services ; donc il faut réorganiser l’enseignement à tous les degrés, l’enlever à ceux qui l’ont dirigé trop longtemps et le confier à une direction plus capable. Tel est en résumé le sens précis des discours prononcés par les partisans du projet que présentait le gouvernement. Il faut un changement radical, dit le rapporteur, M. Figuly. On a voulu faire de l’école un instrument d’asservissement, nous devons en faire, nous, un moyen d’affranchissement et le fondement de la liberté. Les représentans Hermann, de la Bohême, Dintl et Schindler, de la Basse-Autriche, Schneider, de la Silésie, Sawczynski, de la Galicie, Seiffertitz, du Vorarlberg[1], montrèrent par des faits que le système en vigueur dans l’enseignement était incompatible avec l’établissement du régime constitutionnel. Dans la chambre des seigneurs, l’éloquent professeur Rokitansky, le comte Hartig et le ministre des cultes von Hasner défendirent les lois nouvelles. Le comte Leo-Thun exposa l’opinion contraire avec une grande force et des argumens qui donnent à réfléchir. La nécessité d’une réforme était tellement sentie que même le savant économiste dont on regrette la mort récente, M. le baron de Stock, après avoir protesté de son attachement à la religion et de son respect pour l’église, se crut obligé de déclarer qu’elle n’était plus à la hauteur de sa mission. Et réellement les faits parlent trop haut. Entre l’état de l’instruction dans des pays comme la Prusse, la Suisse, la Hollande, les États-Unis, et dans ceux qui ont été soumis à la hiérarchie ecclésiastique, comme l’Italie et l’Espagne, le contraste est si affligeant qu’on éprouve presque

  1. A Feldkirch, dans le Vorarlherg, sur les limites de la Suisse, les jésuites dirigent une institution d’enseignement moyen (K. K. Staatsgymnasium). Le député Seiffertitz, pour donner une idée de l’esprit qui y présidait à l’instruction, cita la notion que les pères donnaient du magnétisme. « Magnetismus animalis est aut naturalis aut supernaturalis. Naturalis non est, ergo est supernaturalis. Si est supernaturalis, aut est ex Deo aut ex diabolo. Ex Deo non est, ergo est ex diabolo. »