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accompagnée d’incrédulité. Chez les nations où la réforme a prévalu, l’église dominante rencontre ses adversaires les plus résolus dans les sectes les plus croyantes, et le besoin de croire survit à l’abandon de certains articles de foi. C’est pour ce motif que les conversions au catholicisme sont plus fréquentes que celles au protestantisme. La piété du catholique consistant dans la pratique exacte des cérémonies et dans l’adoption d’un credo imposé d’autorité, quand il vient à repousser la foi traditionnelle, il rejette tout, et il ne conserve pas de besoins religieux assez forts pour lui faire adopter des formes de cultes mieux en rapport avec ses idées. Habitué à scruter sa foi, à se l’approprier, le protestant, s’il trouve son culte erroné ou insuffisant, en prend un autre qui lui convienne mieux, Mécontent, le catholique devient indifférent, tandis que le protestant se fera ritualiste ou romain. S’il n’a pas ce qu’il lui faut, l’un cherchera mieux, l’autre ne cherchera rien. L’Autrichien tient le milieu entre l’homme du nord et l’homme du midi pour la religion comme pour beaucoup d’autres choses. Il n’a pas échappé tout à fait aux conséquences ordinaires de l’influence ultramontaine. A côté des fervens, on rencontre un très grand nombre d’indifférens, à Vienne surtout, où le maigre produit de la collecte en honneur du jubilé du pape a révélé une désolante froideur. Dans les villes de province et dans les campagnes, les intérêts spirituels préoccupent encore singulièrement les âmes, comme chez toutes les tribus germaniques ou slaves restées fidèles au génie de leur race. Ces dispositions permettront à l’Autriche d’organiser l’école comme l’exigent les besoins de notre temps. L’école doit développer chez les enfans le sentiment moral et religieux ; mais on ne peut pas pour ce motif concéder aux ministres du culte dominant la direction de l’enseignement, d’abord parce que ce serait méconnaître les droits des dissidens, en second lieu parce que le clergé pourrait être hostile aux principes sur lesquels l’état est fondé. Pour résoudre cet important et délicat problème, il faut donc imiter ce qui s’est fait avec tant de succès en Hollande et aux États-Unis, laisser aux ministres du culte le soin de donner l’instruction confessionnelle et charger l’instituteur d’inculquer dans l’âme de l’enfant l’amour de Dieu, de la justice, la charité, toutes les vertus de l’homme et du citoyen. C’est dans ce sens que le Reichsrath a voulu émanciper l’école de l’église. Comme le disait un orateur, M. Schindler, de la Silésie, on ne veut pas bannir Dieu de l’école ; ce qu’on prétend, c’est la soustraire à l’influence exclusive du prêtre, et c’est bien différent.

Le projet de réforme fut vivement attaqué par les orateurs dévoués à la défense du concordat. L’état n’a pas de doctrine, disait le savant abbé Jäger ; donc il ne peut enseigner. L’éducation est la chose principale, et pas d’éducation sans religion. L’état, en