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rapport. Elle était sans doute moins arriérée que les autres pays soumis à la même influence qu’elle, — l’Espagne et l’Italie par exemple ; mais qu’elle était loin de la Prusse, et surtout du Wurtemberg et de la Saxe, les deux contrées modèles en ce point ! Un député de la Carniole, connaissant très bien par expérience personnelle tout ce qui concerne l’enseignement primaire, M. Klun, a donné dans la discussion au sein du Reichsrath quelques détails précis à ce sujet. En 1861, quand l’Autriche comptait encore 35 millions d’habitans, il n’existait dans l’empire qu’environ 30,000 écoles primaires. La Prusse avait à la même époque 27,000 écoles pour une population de 17,500,000 âmes, c’est-à-dire moitié moindre que celle de l’Autriche. La Suisse, avec 2 millions 1/2 d’habitans, possédait 7,000 écoles primaires. Pour atteindre le même rapport, l’Autriche aurait dû en avoir 72,000. Voici la proportion exacte que cela donne : en Autriche une école pour 1,170 habitans, en Prusse une pour 650, en Suisse une pour 450. Combien y a-t-il d’enfans qui fréquentent l’école en Autriche ? 64 pour 100 seulement de ceux qui devraient y aller, de sorte que 36 pour 100 ne s’y rendent pas, tandis qu’en Prusse il n’y en a que 5 pour 100 au plus. On trouve dans l’empire en moyenne 1 enfant à l’école sur 13 habitans, en Espagne 1 sur 15, en France et en Belgique 1 sur 9, en Prusse 1 sur 6, en Saxe 1 sur 5. Quant aux résultats de l’instruction donnée, on peut dire que dans l’empire ils sont encore inférieurs à ce que pouvait faire prévoir le chiffre de la fréquentation. Je pourrais citer, disait M. Klun, une partie de l’Autriche où j’ai enseigné moi-même, et où, sur 100 conscrits, parfois 3 et 5 au plus savaient lire et écrire. Dans la chambre des seigneurs, le comte Wickenburg rapporte des faits du même genre tirés d’une excellente publication intitulée le Soldat et l’École (der Soldat utid die Schule) et écrite par un officier supérieur du plus grand mérite. Sur 20 conscrits, 2 ou 3 lisent avec peine, tandis que, parmi les soldats saxons qui ont si vaillamment combattu à Sadowa, tous savaient lire et lisaient habituellement. Maintenant que l’emploi des armes perfectionnées et de la nouvelle tactique demande de l’intelligence, les officiers instructeurs ont une peine excessive à former les recrues. Pour les emplois civils, il en est de même : dans tous les services, comme dans l’industrie, on se plaint du peu d’instruction qu’ont reçu les jeunes gens. La gymnastique est généralement reconnue aujourd’hui comme indispensable. Dans l’Allemagne du nord, on l’a rendue obligatoire, et la France en fait de même. En Autriche, beaucoup de grandes villes ont envoyé naguère à la chambre haute des pétitions pour réclamer cette amélioration ; mais l’opposition du clergé l’a fait rejeter.