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à leur place qu’au moyen âge ; ils sont en opposition avec toutes les idées et toutes les institutions modernes.

Dans nos idées actuelles, l’état ne peut accorder ni au représentant d’une opinion religieuse, ni au souverain d’un pays étranger le droit de nommer des fonctionnaires publics, de régler les actes civils des citoyens, de gouverner ses écoles. Un contrat de ce genre serait nul de soi, comme contraire à l’ordre public. Un père stipule que son fils obéira durant toute sa vie à la volonté d’une autre personne ; une semblable promesse constitue-t-elle un engagement valable ? Certainement non. Le roi de France accorde par traité au roi d’Espagne le droit de nommer tous les officiers de l’armée ; le peuple français reconnaitrait-il la validité de ce traité, et se croirait-il tenu de le respecter ? Une nation, et encore moins le chef qui la gouverne, ne peut aliéner ses droits de souveraineté intérieure, pas plus qu’un individu ne peut se vendre comme esclave. C’était pour toujours que l’empereur d’Autriche avait reconnu les prérogatives de l’église catholique, de sorte que les représentans de la nation n’auraient plus jamais le droit de faire des lois au sujet de l’école, du mariage et des affaires confessionnelles. L’acte d’un souverain excédant ses pouvoirs lierait donc la nation éternellement ! Éternellement, car si pour modifier le traité il faut le consentement de l’église, comme il s’agit de ses prérogatives dogmatiques ou canoniques, jamais elle ne l’accordera.

Le ministre des cultes, M. von Hasner, a développé ces considérations au sein de la chambre haute avec un grande clarté. « On sait, disait-il, que le développement de l’état a provoqué dès le moyen âge une lutte séculaire, et que les empereurs franconiens, les Hohenstaufen, et la plupart des autres empereurs n’ont cessé de défendre les droits du pouvoir civil contre les usurpations de l’église. Les souverains autrichiens ont aussi rempli leur rôle dans cette lutte, et Joseph II n’a pas été isolé. Ce qui se passe maintenant n’est donc qu’un épisode, qu’une phase de ce long travail d’émancipation. Ce que Joseph II a voulu faire, c’était rendre à l’état les pouvoirs qui lui sont essentiels. C’est ce que nous voulons aussi, et en ce sens nous ne craignons pas d’invoquer ce nom glorieux et si injustement attaqué. Seulement nous voulons ce que l’on n’avait pas encore bien compris à la fin du siècle dernier, la liberté de l’église. Toutefois, à côté des églises libres, nous voulons l’état indépendant. — Mais, nous dit-on, vous violez un contrat, pacta sunt servanda ; c’est une honte pour l’Autriche de manquer à ses engagemens. Avant de parler d’engagement, il faudrait voir si l’Autriche, si le peuple autrichien en a contracté. Tout est changé maintenant. L’absolutisme qui avait traité avec Rome n’existe plus. Un état constitutionnel est né, qui doit pouvoir régler ses affaires intérieures à