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point le concordat lésait les droits des non-catholiques. La Bukovine, située à l’extrémité orientale de l’empire entre la Galicie et la Moldavie, au point de contact des races slaves et latines, est peuplée en proportion à peu près égale de Roumains et de Ruthènes ; mais les quatre cinquièmes des habitans appartiennent au rite grec orthodoxe. Voici, d’après M. Hormuzaki, la situation que le concordat faisait à ces populations. Par son organisation, par sa centralisation, par la discipline rigoureuse imposée à tous ses membres, l’église catholique constitue une puissance religieuse et politique à laquelle les autres communions peuvent difficilement résister ; elles sont nécessairement écrasées du moment que l’état prête son appui à la hiérarchie romaine, déjà si forte par elle-même. Or c’est ce qui avait lieu en Autriche. Dans la Bukovine, le clergé catholique s’efforçait de conquérir des prosélytes par les mariages mixtes et l’école. La certitude d’être toujours appuyé par l’autorité civile lui inspirait un zèle d’intolérance contre lequel les non-catholiques n’avaient aucun moyen de se défendre. Quand ils réclamaient contre les excès de pouvoir dont ils étaient les victimes, ce n’est pas à Vienne que leur appel était reçu, c’est à Rome, et on devine l’accueil qui y était fait. Une pétition envoyée au Reichsrath par le conseil communal de Czemowitz, capitale de la Bukovine, relatait les détails prouvant la vérité de tout ce que disait M. Hormuzaki. C’est par antiphrase sans doute, ajoutait-il, que l’on a appelé le traité avec Rome concordat, car il n’a enfanté que discordes au sein des familles et de l’état. Ce concordat n’est autre chose que le Syllabus transformé en articles de foi et imposé à tous les peuples de l’empire. Ses partisans disent qu’ils ne veulent que la liberté ; mais, entendue dans leur sens, la liberté de l’église, qu’est-ce, sinon l’asservissement de l’état ?

Un député de la province de la Haute-Autriche, le baron von Weichs, s’efforça de faire voir, qu’il s’agissait pour l’empire d’une question de vie ou de mort. « Nous avons à décider aujourd’hui, s’écria-t-il, si nous formerons un état indépendant ou si, comme au Japon, nous aurons deux souverains, l’un subordonné siégeant au Burg, à Vienne, l’autre, le maître omnipotent, trônant à Rome, au Vatican, ou pour mieux dire au Gesù. Vivrons-nous en Autrichiens, en Allemands libres, ou devrons-nous périr en sujets de la hiérarchie romaine ? Nous respectons la religion, nous bénissons le christianisme, mais il ne faut pas que nous soyons plus longtemps un état de l’église en Allemagne. Depuis des siècles, c’est de Rome que sont partis les fils qui ont conduit les affaires autrichiennes. Voyez où cela nous a menés : aux abîmes !… Il est temps de nous affranchir des liens dont nous ont chargés le concordat de 1855 et l’encyclique du 8 décembre 1864. Que le mot si fatal à l’Autriche : trop