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burlesque dans le Reichsrath à Vienne. Quand l’abbé Greuter parle, le président a grand’peine à maintenir l’ordre dans la chambre et le silence dans les tribunes. De tous côtés éclatent les protestations, les murmures ou l’hilarité. Au congrès catholique de Munich, l’abbé Greuter appelait le libéralisme le Gessler de notre siècle, sous-entendant que lui serait le Tell qui abattrait le tyran. Dans la discussion sur la loi présentée par le cabinet cisleithanien, c’est au nom de la liberté de conscience qu’il réclame le maintien des lois canoniques. Cela paraît étrange, puisque c’est au nom de la liberté des cultes qu’on en demande l’abolition. Pour les catholiques, selon lui, il n’y a qu’un mariage : c’est l’union consacrée par le prêtre ; tel est le dogme de l’église. Introduire dans les lois de l’Autriche le mariage purement civil, c’est donc mettre l’état en opposition avec le dogme, c’est violer les décisions les plus solennelles des conciles et froisser ainsi la conscience de tous ceux qui sont restés fidèles à la foi. Le mariage est un sacrement, et jamais le peuple n’admettra qu’il appartienne au Reichsrath de régler la distribution des sacremens. Vous voulez donner à l’état une base non confessionnelle, soit ; mais ne commencez point par imposer aux catholiques une législation que jamais ils ne pourront accepter. Dans la catholique Autriche, désormais les catholiques seuls seront persécutés ; voilà le sort que vous leur réservez. « La cause des malheurs de notre pays, c’est le concordat, répétez-vous en chœur. Oui, je vous entends. C’est ainsi qu’au temps du paganisme, quand la pluie manquait, quand éclataient la peste et la famine, la foule criait : Christiani ad leones, les chrétiens aux lions. Ah ! vous voulez faire de l’aigle de l’apostolique Autriche une sorte d’oiseau de proie impie qui viendrait, comme le vautour de Prométhée, dévorer dans notre poitrine ce qui nous est plus précieux que la vie, notre sentiment, nos saintes croyances ! Eh bien ! j’ose vous le dire, dans les vallées et sur les monts de notre libre Tyrol vous n’y réussirez pas. Encore un peuple, pensez-vous, qui bientôt marchera enchaîné derrière le char du vainqueur ; mais vous ne vaincrez pas. » L’abbé Degara, du Tyrol méridional, invoque des argumens du même ordre que ceux de l’abbé Greuter, sans y ajouter de force nouvelle : le droit canonique lie tous les catholiques ; l’Autriche cisleithanienne est habitée presque exclusivement par des catholiques ; il faut donc que les lois de l’état, faites pour des catholiques, soient conformes aux lois de l’église.

Pour combattre ces principes ultramontains, les orateurs ne manquaient point. La majorité en faveur des réformes proposées par le ministère était si grande qu’elles furent toutes adoptées par assis et levé, sans qu’on eût à procéder à l’appel nominal. Un député de la Bukovine, M. le chevalier von Hormuzaki, fit voir à quel