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suppléer ; qu’une partie relativement minime, particulièrement chez les animaux, peut suffire à remplir les fonctions du tout[1].

Abandonnant la voie de la phrénologie, où elle avait espéré d’abord trouver une théorie scientifique des rapports du physique et du moral, la physiologie reprit le même problème par une autre méthode aussi sûre qu’ingénieuse. On savait depuis longtemps que tout concourt et conspire au phénomène vital dans le système organique, depuis les organes extérieurs jusqu’au cerveau, que l’action des objets étrangers produit une impression, que cette impression, transmise au cerveau par le système nerveux et les organes intermédiaires, se transforme en sensation d’abord, puis en perception proprement dite, et y éveille l’intelligence et la volonté, qui n’entrent en jeu qu’à la suite de ces excitations successives. On savait également que, par un mouvement analogue en sens in-r verse, la volonté transmet, à travers tout le système des organes intermédiaires, son action aux nerfs moteurs et aux muscles qui déterminent le mouvement. Quel est le rôle de chacun de ces organes dans le jeu total de la vie psychologique, quelle est la part distincte et précise des muscles, des nerfs, de la moelle épinière, de la moelle allongée, du cervelet, des couches optiques, des corps striés, des lobes cérébraux ? Voilà ce qu’il fallait découvrir, voilà où nulle méthode connue n’avait pu conduire les observateurs les plus sagaces et les plus profonds. Ce fut l’œuvre de la méthode expérimentale, sinon inventée, du moins pratiquée pour la première fois avec suite et ensemble par les physiologistes de notre temps. On ne pouvait expérimenter sur l’homme, parce que la conscience humaine, dont la loi écrite n’est que l’expression, ne permet pas de faire de l’homme, même criminel et condamné à mort, un sujet d’expérience. Qui ne sait la peine qu’eut la science à obtenir d’opérer sur le cadavre humain ? Et quand la passion de la vérité eût fait commettre à la science cet attentat d’une expérience sur l’homme vivant, elle n’y eût peut-être rien gagné, l’organisme humain ne permettant guère une opération qui, en faisant l’ablation de certains organes, laisserait les organes voisins intacts dans leur constitution et leur fonction propres.

C’est pour cela que la physiologie actuelle ne prend pas pour sujets de ses expériences les animaux de l’ordre le plus élevé, tout en se gardant de descendre jusqu’à des animaux dont la vie psychologique n’a presque plus rien de commun avec celle de l’homme. Si l’organisation trop délicate du singe ne résiste point à de telles expériences, si celle du chien, du chat et autres animaux d’espèces

  1. Valpian, Système nerveux.