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l’esprit français ; on le retrouve dans nos poésies et dans nos romans, si sobres de ces détails de la vie intime qui surabondent chez les poètes et les romanciers de race saxonne. Il est vrai que quelques-uns de nos poètes et surtout de nos romanciers ont abordé en maîtres la grande psychologie, la.haute analyse des passions, des mœurs et des caractères ; mais en y regardant de près on s’aperçoit que, dans ces brillantes et fortes peintures, l’éloquence, la logique, le sentiment de l’idéal, ont encore plus de part que la représentation exacte et minutieuse de la réalité. En un mot, la créa-lion y domine toujours plus ou moins l’observation. Ce qui est certain, c’est la tendance générale de l’esprit contemporain à appliquer à l’étude des phénomènes moraux soit la méthode historique, soit la méthode physiologique, soit cette méthode d’observation indirecte et d’induction que pratique l’école de Bacon, laquelle néglige de plus en plus l’observation intime et directe, qu’elle n’est pas éloignée de confondre avec la spéculation métaphysique proprement dite. Pour le moment, voyons à l’œuvre la méthode physiologique.


I

On a dit bien souvent que la science est une comme la vérité, et que, si l’homme la divise en tant de parties, c’est qu’il est impuissant à l’embrasser dans sa réelle et vivante unité. Il est certain que tout tient à tout dans l’univers ; il existe par conséquent entre toutes les sciences humaines certains rapports qui ne permettent à aucune de refuser les lumières que peuvent lui offrir celles qui s’en éloignent le plus dans l’ordre de parenté ; mais il est deux sciences surtout dont on peut dire qu’elles sont sœurs dans le sens le plus intime du mot : c’est la physiologie et la psychologie. Ici en effet, ce n’est plus de rapports entre objets différens qu’il s’agit, comme entre les objets de la géométrie, de la physique, de la chimie, de l’histoire naturelle. L’objet de ces deux sciences est le même individu, l’homme, et il semble qu’on ne puisse les séparer que par une abstraction qui fait violence à la nature des choses. Pourtant cette distinction est presque aussi vieille que l’esprit humain, ce qui montre combien elle est naturelle et nécessaire. De tout temps, qu’on s’entendît ou non sur les principes et sur les causes, deux ordres, on pourrait dire deux mondes de phénomènes ont été étudiés, décrits et classés. Si les mots de physiologie et de psychologie n’ont reçu que depuis la science moderne leur signification propre, il y a longtemps que l’homme physique et l’homme moral étaient l’objet d’observations, d’expériences, d’analyses, de descriptions, de méthodes spéciales de la part des