Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 81.djvu/635

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LE
CLAN DU VOL A PARIS
SES CATEGORIES ET SES REFUGES

Lorsque Virgile, guidant le Dante vers l’enfer, arrive au seuil redoutable, il se tourne vers le poète florentin, et lui dit qu’il va lui faire voir

le genti dolorose
C’hanno perduto il ben dell’ intelletto,


« les races douloureuses qui ont perdu le bien de l’intelligence. » Ces paroles, je pourrais aussi les adresser au lecteur, car je vais essayer de lui faire comprendre la vie, les mœurs, le langage de ces êtres pervertis qui, par suite d’instincts mauvais ou d’inéluctables circonstances, ont réellement perdu l’esprit, et vont demander aux actions du mal une existence pénible et flétrissante. Le nombre est grand de ceux qui, répudiant toute contrainte, dépouillant toute honte, vivent en dehors de la société et n’y touchent que pour lui nuire. Malgré la surveillance incessante dont ils sont l’objet, malgré les lois qui les enserrent, les atteignent et les châtient, ils restent au milieu de nous comme une tribu toujours en révolte, rêvant le mal, l’accomplissant avec une audace que rien ne semble pouvoir atténuer et se recrutant parmi les déclassés qui flottent au-dessus de notre civilisation comme des herbes lépreuses au-dessus d’un marais. Dans le sein de notre population active et laborieuse, c’est un peuple à part, sans foi ni loi, sans feu ni lieu, doué d’aptitudes particulières et fidèle à des coutumes transmises dont la connaissance permet le plus souvent de découvrir les auteurs des crimes. La paresse ou plutôt la haine instinctive de tout état régulier, la