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propres intuitions, ce qui s’agite au fond de la cornue du chimiste, c’est de l’esprit, mais de l’esprit à son minimum d’énergie. On a prétendu que c’était de l’esprit éteint. Le mot est inexact, quoique ingénieux. L’esprit de l’atome n’est pas éteint, puisque ni la chaleur de la vie, ni le feu de la passion, ni les ardeurs de la volonté, ni la flamme intellectuelle, n’ont encore brûlé en lui. Non, cette chose mystérieuse et certaine, humble et pourtant puissante, c’est de l’esprit, moins les rayons qui, à mesure qu’ils s’allument et brillent, manifestent successivement l’âme du chêne, celle du lion et, à leur plus grand éclat, la nôtre. — Au reste, la question est aujourd’hui tellement mûre que la conciliation entre les dissidens s’opérera d’elle-même. Quand paraîtra un travail synthétique ou seront coordonnés les élémens déjà préparés d’un système, il y aura des résistances, on doit y compter ; cependant la raison moderne s’habitue peu à peu à comprendre, comme le comprennent savans et philosophes à la fois, que la conception des forces simples est aussi lumineuse et féconde que l’idée d’une matière étendue est obscure et stérile.

Pareille convergence à peu près au sujet de l’âme des bêtes. D’une part, on l’a vu, la zoologie et l’anthropologie se rapprochent sincèrement de la science de l’esprit. De son côté, la psychologie s’est affranchie de plus d’une entrave. C’est uniquement à l’induction fondée sur l’expérience qu’elle entend demander désormais la solution du problème. On y avait mêlé au XVIIe siècle, et peut-être depuis, trop de préoccupations étrangères à la science. Au lieu de chercher simplement si, en fait, les animaux souffrent et connaissent, et si cela est possible sans une âme indivisible, les cartésiens compliquaient la question de difficultés théologiques. Si les animaux souffrent, disait-on, de deux choses l’une : ou ils ne l’ont pas mérité, et alors Dieu est injuste, ou ils l’ont mérité par le péché. Mais quoi, ajoutait spirituellement Malebranche, les bêtes auraient-elles donc mangé du foin défendu ? Moins attaché à la doctrine de l’automatisme, Bossuet pensait que les bêtes ont le sensitif, mais dans une âme d’essence mitoyenne, ni corps, ni esprit, ce qui est inintelligible. En cela, il suivait de près saint Thomas, pour qui les âmes animales n’étaient pas subsistantes en elles-mêmes : ex quo relinquitur… quod animœ brutorum…. non sint subsistentes ; doctrine aristotélique, mais singulière et bien embarrassante pour celui qui s’y voudrait tenir, car saint Augustin a expressément enseigné le contraire. Qui suivra-t-on, saint Augustin ou saint Thomas ? Croyons-en l’évidence, que saint Augustin savait reconnaître et à laquelle la théologie finit toujours par se ranger. Or, sur le fait inductivement constaté de l’esprit des bêtes, l’évidence semble faite aujourd’hui. Lisez ou interrogez les psychologues