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principales. Van der Helst a donc profité aussi peu que possible des leçons de Franz Hals, s’il est vrai que celui-ci lui en ait donné ; Franz Hals en revanche a beaucoup profité des leçons que lui donnait indirectement la Hollande. S’il est exact, comme on le veut encore, qu’il ait influé d’abord sur Rembrandt, Rembrandt lui a certes payé ce service avec usure, car les procédés du maître de Leyde ont laissé visiblement des traces sur quelques-uns de ces tableaux.

Van der Helst est un artiste fort supérieur à Franz Hals, et cependant à première vue c’est Hals qui paraît le plus original. Cette illusion tient au faire du peintre, où se révèle une liberté que van der Helst ne se permet pas, que ne se permet aucun Hollandais à l’exception de Rembrandt. Il y a dans ces peintures de Hals une solidité, une vigueur, un relief, une chaleur de ton, qui au premier abord paraissent extraordinaires. Ses tableaux ont l’air d’avoir été peints de quelques coups de pinceau vigoureux, dont l’artiste ne s’est pas même donné toujours la peine d’effacer les traces ; mais sous cette fougue et cette spontanéité apparentes il nous semble apercevoir beaucoup d’étude, de patience et de soin. Cette crânerie et cette liberté ne laissent pas une impression bien nette de franchise, et sont plutôt chez Hals qualités acquises que qualités innées. C’est dans la classe des artistes de volonté qu’on doit le ranger, et non parmi les artistes fils de la nature. Néanmoins Franz Hals est un fort remarquable peintre, et il doit être cité immédiatement après Rembrandt parmi ceux qui en Hollande donnent le plus fortement le sentiment et l’illusion de la vie. Aussi les peintures de Franz Hals, quoique appartenant au plus froid et au plus ennuyeux des genres, ont-elles quelque chose de cet élément dramatique qu’on croirait n’appartenir qu’à la seule Ronde de nuit. C’est en lui que respire le plus fortement le sentiment d’orgueil démocratique qui donna naissance à ces archives peintes. Tous ces archers, arbalétriers et miliciens braillent à pleins poumons, gesticulent à tour de bras, s’attendrissent après boire jusqu’aux larmes, et fêtent la liberté avec cette chaleur et cette allégresse par lesquelles l’homme fête toujours les biens de date récente. Ce sont des parvenus de l’indépendance, on le voit bien ; l’habitude ne les a pas encore blasés sur le bonheur de la liberté, et c’est pour cela qu’ils respirent avec tant de jovialité, qu’ils s’enivrent avec tant de cordialité, qu’ils tiennent leurs drapeaux d’un air si fanfaron et portent leurs feutres avec tant de fierté. Comme ils ont dû être heureux, — surtout ces archers de Saint-George, dont les types et les attitudes révèlent, à ne pas s’y tromper, un corps exclusivement composé d’élémens plébéiens, — de se voir traités par le peintre tout comme s’ils étaient des Orange, des Egmont