Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 81.djvu/507

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Maxime de Turgy, deux simples jeux de scène très heureusement imaginés suffisent pour expliquer aux spectateurs dans quelle phase nouvelle est engagée l’action. M. de Cambre a été ramené au château par l’orage avant que Maxime et Julie soient revenus de leur promenade ; lorsque Maxime rentre le premier dans le salon, Maurice lui tend sa main comme à l’ordinaire, et Maxime n’ose la prendre. L’homme d’honneur se sent déchu. Un instant après, Julie arrive, et, voyant Maxime avec son mari, elle recule épouvantée comme devant une apparition formidable. C’est déjà le devoir qui se venge.

Une idée très dramatique de ce second acte, c’est que M. de Cambre, touché des reproches de Maxime, y a sérieusement réfléchi, et que, prenant la résolution de s’amender, il se relève de fort bonne grâce, lui, le frivole, le libertin, au moment même où Maxime et Julie viennent de succomber. Représentez-vous la honte de M. de Turgy, quand M. de Cambre lui fait part de ce projet. Julie aussi est châtiée dès le second acte en attendant l’expiation suprême. Écrasée sous la honte, elle ne se résignera jamais à installer l’adultère au foyer domestique ; mieux vaut fuir en compagnie de Maxime, mieux vaut afficher sa passion avec désespoir que de la cacher dans l’ignominie d’un mensonge de tous les instans. Elle est donc résolue à fuir, et comment pourrait-elle hésiter ? Mme de Cressey se fait annoncer chez Mme de Cambre ; c’est une nouvelle occasion pour Julie de sentir et de dévorer sa honte. Elle n’a plus le droit de mépriser cette créature, elle lui parle avec douceur, avec pitié, elle la traite comme une sœur plus malheureuse peut-être que coupable, et la folle pécheresse, ne comprenant pas d’abord ces délicatesses exquises, lui jette de sottes réponses ou des questions inconsidérées qui mettent Julie à la torture. Non, elle ne vivra pas plus longtemps dans l’hypocrisie d’une situation insoutenable, il faut qu’elle parte ; mais quelle est cette voix fraîche et joyeuse ? C’est Cécile qui revient ; M. de Cambre a envoyé un contre-ordre pendant qu’elle regagnait le couvent ; l’enfant restera près de sa mère. C’est le premier gage que le mari repentant donne à Mme de Cambre ; est-il besoin d’éloigner Cécile, maintenant que l’ordre est rentré dans la famille ? Ainsi chaque incident est un nouveau supplice, chaque mot est un coup de mort qui frappe Julie au cœur. Le coup le plus terrible, c’est la confidence naïve que Cécile va lui faire : Cécile aime M. de Turgy. Ce n’est pas là, nous le savons, une situation très neuve ; il faut reconnaître du moins, toute critique réservée, que les scènes même les plus contestables de la pièce sont traitées avec un art accompli. Le châtiment de Julie ne serait pas complet, si elle n’était pas obligée de désoler le cœur de la pauvre enfant en lui apprenant qu’il faut renoncer à ce rêve, que ce serait le malheur de sa vie, que M. de Turgy n’est pas libre et ne se mariera jamais. Julie ne s’enfuira donc pas avec son amant, elle attirerait sur elle le mépris et la haine de sa fille ; c’est Maxime qui va s’éloigner subitement. Que