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doute la nécessité d’appeler dans la politique des hommes nouveaux, des hommes qui n’ont pas encore servi. Le rajeunissement incessant est la loi des partis et même des gouvernemens qui tiennent à ne pas mourir. Nous serions assez curieux cependant de savoir ce que c’est que cette démocratie radicale au nom de laquelle on entre si belliqueusement en scène, ce qu’elle veut, ce qu’elle poursuit et comment elle entend réaliser son programme. Les nouveaux candidats ont beaucoup parlé jusqu’ici et ont facilement enlevé des auditoires incandescens ; ils ont répété qu’ils étaient du peuple, qu’ils étaient les enfans de la révolution, de la démocratie, les amans de la liberté, etc. Le fait est qu’on n’est guère plus avancé sur le fond des choses.

Ils sont étonnans de naïveté et de superbe, ces jeunes Sicambres de la démocratie radicale, et dans tous les cas ce n’est point par la modestie qu’ils se perdront. On dirait, à les entendre, que jusqu’à eux rien n’a été fait, qu’on s’est borné à plier indignement sous le joug, et que dès leur apparition tout va changer de face, qu’il n’y a qu’à prendre la liberté, si on ne la donne pas, qu’il n’y a qu’à les nommer députés pour qu’ils agitent « devant une majorité satisfaite l’éternel remords et l’impitoyable revendication. » Et quand ils ont parlé ainsi, croient-ils par hasard qu’ils nous ont conduits bien loin ? Avec un peu plus de réflexion ou plus d’instinct politique, ils sentiraient que la liberté ne se prend pas de cette façon, ou que si on la prend par la violence, on est exposé à la perdre par une surprise de la force, et que les 2 décembre surviennent quelquefois comme un douloureux erratum des 24 février ; ils comprendraient que, puisqu’ils sont jeunes, puisqu’ils ont eu la fortune de ne pas connaître les luttes d’autrefois, le mieux serait pour eux de tourner leurs regards vers l’avenir au lieu de remuer sans cesse des souvenirs irritans et de se perdre dans des représailles rétrospectives ; ils se diraient que dans une situation nouvelle il faut une politique nouvelle de libérale et supérieure équité, et non la perpétuelle, la stérile évocation de certaines époques, de certaines dates qui ne sont plus que du passé. Tout compte fait, si l’on fouille tous ces programmes et ces discours par lesquels on veut échauffer le zèle des électeurs, nous voilà placés entre toute sorte de dates vers lesquelles il faut retourner absolument, si nous voulons être dans la vérité. M. Clément Laurier, lui, est modéré ; il ne s’en prend qu’au 2 décembre ; c’est le 2 décembre qu’il faut effacer du livre de notre existence, contre lequel il faut protester sans cesse, et tout ce qui s’est passé depuis ce jour est apparemment considéré comme non avenu. M. Bancel, pour sa part, éprouve le besoin de remonter plus haut, il veut que nous nous empressions de « renouer les traditions interrompues au 19 brumaire ; » mais à côté de M. Bancel et de M. Laurier, voici d’autres démocrates plus orthodoxes encore qui veulent que nous remontions à 1794 ! Et ceux qui, sous prétexte d’élections et de revendi-