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fait ? Après avoir signalé cette première difficulté, M. Hirn cherche un second argument dans le phénomène de l’élasticité. On donne ce nom à la force qui, au sein d’un corps, ramène les molécules à leur place après qu’elles ont été momentanément dérangées, soit par un choc, soit par une pression, soit par une tension. Je laisse tomber, par exemple, une boule d’ivoire sur une table polie ; la boule s’écrase légèrement ; les molécules, violemment rapprochées, s’écartent de nouveau, et la force élastique qui les repousse fait rebondir la boule. Y a-t-il pourtant ici création de force ? Non, car au moment où la boule s’arrête, le mouvement visible dont elle était animée se change en mouvement invisible des particules d’ivoire ; il n’y a qu’une transformation de mouvement. Voilà comment la science moderne interprète ce phénomène si simple en apparence, en réalité si complexe ; elle n’y voit qu’une action de la matière sur la matière, qu’un choc d’atomes ou de molécules. C’est ici que M. Hirn intervient et se demande pourquoi, lorsqu’un atome à l’intérieur de la bille est précipité sur un autre atome, rebondit-il lui-même et revient-il à sa place primitive ? Il y a un moment où la vitesse de cet atome est nulle : c’est celui où change le sens de son mouvement. Comment de ce repos le mouvement peut-il sortir ? Pourquoi le mouvement renaîtrait-il dans un atome tombé sur un autre atome, si les atomes n’étaient pas élastiques et capables de repousser d’autres atomes propulseurs ?

Or M. Hirn affirme et prétend démontrer que les atomes matériels sont invariables en volume et ne jouissent d’aucune élasticité. La démonstration qu’il en donne se fonde sur les lois nouvellement découvertes de la thermodynamique, et nous ne pouvons la reproduire ici ; nous nous bornerons à exposer les conclusions de M. Hirn. Suivant lui, la force ne peut exister dans les atomes mêmes, et ceux-ci ne possèdent en eux-mêmes rien qui soit capable d’attirer ou de repousser d’autres atomes. Ce qui est vrai des atomes emprisonnés à des distances infiniment petites dans un corps l’est aussi de ces corps immenses que séparent les cieux. Jamais le mouvement ne naît du mouvement par suite d’un simple contact matériel ; la science est impuissante à expliquer par un mouvement atomique le moindre phénomène d’attraction ou de répulsion, qu’il s’agisse de gravité, de magnétisme ou d’élasticité. Outre la substance matière, divisée en unités finies nommées atomes, il faut donc qu’il y en ait une seconde qui n’ait rien de commun avec la première, mais qui ait la puissance de la mouvoir. Cette seconde substance, c’est la force ; celle-ci, répandue à travers l’infini, sert de lien à toutes les parties de l’univers. La force est comme une mer où baignent tous les corps. Le vide des machines pneumatiques, des baromètres, des solitudes interstellaires, n’est qu’un espace purgé