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voisin. La science antique avait horreur du vide ; la dynamique moderne, on peut le dire, recule devant le plein. Elle ne saurait comment remplir un infini absolument dénué d’élasticité de ces mouvemens incessans qui sont la lumière, la chaleur, la vie même du monde ; mais sitôt qu’elle s’arrête à des particules quelconques, éthérées ou matérielles, elle se heurte à ce problème : d’où vient l’action d’une particule sur une autre particule, d’une monade sur une autre monade ?

La force est-elle dans les atomes ou en dehors des atomes ? C’est sous cette forme que M. Hirn pose cette grande question métaphysique. La science contemporaine ne recherche pas la cause du mouvement, il lui suffit d’en connaître les lois ; le mouvement naît du mouvement même : il y a dans l’univers une quantité d’énergie en puissance, invariable dans sa totalité, indestructible, qui se dépense ici dans le transport de masses formidables, ailleurs en girations et en frémissemens atomiques. La force vive qui anime notre système solaire ne peut se perdre ; si le soleil et son chœur de planètes étaient tout d’un coup arrêtés à travers l’espace, toute cette force vive se convertirait du même coup en chaleur, et se retrouverait en entier sous cette forme nouvelle dans le système retourné à l’état de nébuleuse. Si la vie universelle n’est qu’une perpétuelle métamorphose, il est peut-être inutile de chercher la cause du mouvement, ou du moins la science peut abandonner cette recherche. Voyons cependant par quels argumens M. Hirn prétend démontrer que la force est une chose séparée de la matière, indépendante des corps, un principe absolument distinct. Le premier est tiré du phénomène de la gravité.

Voilà deux corps séparés par un intervalle, deux globes ou deux atomes ; quelque chose les pousse l’un vers l’autre. D’où naît ici le mouvement de l’attraction ? On a supposé que l’espace est sillonné d’une infinité de petits atomes animés d’une excessive vitesse ; si ces atomes sont lances de toutes parts comme des flèches sur les deux corps, ceux-ci se serviront l’un à l’autre d’écran, et, ne recevant pas de flèches sur les deux côtés qui se regardent, ils vont se trouver poussés l’un vers l’autre dans la direction de la ligne qui les joint, ils s’attireront. Les choses peuvent-elles bien se passer ainsi, et peut-il y avoir quelque réalité dans ces pluies atomiques qui rappellent les tourbillons de Descartes ? Remarquons que l’attraction s’exerce toujours avec la même puissance, que l’intervalle entre les deux corps soit plein de matière ou vide ; toute l’épaisseur de notre globe n’altère en rien l’attraction d’une pierre sur la pierre placée à l’autre extrémité du diamètre terrestre. La gravité est absolument indépendante de ce qui s’interpose entre les corps graves ; si elle était due à des chocs de particules, comment expliquer ce