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l’univers. La science demeure, en face des systèmes philosophiques, à l’état de neutralité désarmée quand on ne cherche point à l’inquiéter, armée quand on entreprend de menacer son indépendance. Elle reste insensible aux critiques et aux lamentations des écoles métaphysiques et théologiques ainsi qu’aux adulations naïves de ce matérialisme qui ne lui demande que la satisfaction des intérêts les plus bas et des passions les plus vulgaires. Elle cherche le vrai, mais elle le cherche toujours dans des phénomènes tangibles, visibles, mesurables.

Je ne sache pas que jamais un savant ait entrepris la démonstration scientifique de l’existence d’un principe spirituel. Pour les philosophes, ils n’abordent point l’étude de l’âme par le dehors ; ils s’y placent du premier coup, comme dans un centre et une citadelle. Toutes leurs théories, leurs spéculations, dérivent du phénomène initial de la pensée, de la conscience. C’est la méthode cartésienne, celle qui ancre en quelque sorte la philosophie sur le moi intérieur, sur ce moi qui est notre vie, notre amour, notre tout, qu’aucun doute ne peut atteindre, aucune négation étouffer. La philosophie dit à la science : Garde pour toi le monde et ses merveilles, le grand infini matériel ; je garde l’âme humaine, où je sens remuer un autre infini. Observe avec les sens, mesure avec le compas, pèse avec la balance, moi j’observe la pensée. — Ce n’est pas ici le lieu de discuter cette méthode, constatons seulement que la métaphysique spiritualiste va toujours de l’âme au monde, de l’esprit à la matière. Peut-on aller au contraire de la matière à l’esprit ? Peut-on, s’élevant des choses tangibles et des mouvemens aux forces et des forces à un principe psychique, fonder le spiritualisme sur la science elle-même ? Un savant dont l’ouvrage vient de paraître a tenté de le faire. M. Hirn a une doctrine complète, une métaphysique sans doutes et sans nuages, un dernier mot sur la matière, sur la force, sur l’âme, sur la vie. On s’étonne de trouver tant de foi chez un savant, une foi si jeune, si pleine, si triomphante. M. Hirn présente sur les phénomènes du monde, un système complet. Quel est donc ce métaphysicien nouveau qui semble ignorer aussi bien les angoisses et les hésitations de la psychologie moderne que les réserves systématiques de la philosophie positive ? M. Hirn est l’un de ceux qui ont jeté les fondemens de cette grande théorie scientifique connue sous le nom de l’équivalence ou de la transformation des forces. Cette théorie, qui, on peut le dire, a renouvelé la science, s’est appuyée d’abord sur la thermodynamique ou sur l’étude des relations de la chaleur et du travail mécanique. On sait aujourd’hui que nul effort, nul travail matériel, nul transport de masses corporelles, ne peuvent être obtenus qu’au prix d’une certaine dépense de chaleur, d’électricité ou d’affinité chimique.