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femme était à bout, non pas seulement d’amabilité, mais de politesse. » Combien lady Elliot n’eût-elle pas été plus scandalisée, si elle avait su que ce qui rappelait probablement son hôte à Londres, c’était la présence de Mme de Nehra, cette gracieuse et fidèle compagne des mauvais jours de Mirabeau, à laquelle M. de Loménie a consacré ici même une étude que les lecteurs de la Revue n’ont assurément pas oubliée. »

En 1790, Hugh Elliot fut envoyé par Pitt en mission auprès de Mirabeau. Ici, tout est obscur, la nature, la durée, le résultat de la mission. Nous savons cependant qu’elle eut une heureuse issue, à en juger par cette phrase extraite d’une lettre adressée à Elliot : « si vous pouvez conduire cette entreprise avec autant de bonheur que votre mission auprès de Mirabeau… » Lady Minto déclare que les papiers de son grand-père ne lui ont appris rien de plus que le simple fait de cette mission. C’est vainement que de notre côté nous avons cherché à nous éclairer ailleurs. Le nom de Hugh Elliot est bien cité deux fois dans la correspondance de Mirabeau avec La Marck, mais sans commentaires. Nous ne l’avons point rencontré ailleurs, et nous prenons ici la liberté de recommander ce point de recherches à plus habile et plus érudit que nous. Si l’on parvenait à établir qu’au moment où Mirabeau entretenait des intelligences avec la cour il avait noué d’un autre côté des relations avec l’Angleterre, ce serait une révélation historique qui ne manquerait certes pas d’intérêt. Elliot était assurément l’homme qu’il fallait pour entamer une négociation de ce genre. A l’appui de cette conjecture, nous avons relevé les deux indices suivans. Dans les premières notes rédigées par Mirabeau à l’adresse de la cour, il attire souvent l’attention sur les armemens de l’Angleterre et dénonce avec chaleur ses desseins hostiles ; mais dans une note qui porte la date du 28 octobre 1790, et qui est postérieure de quinze jours seulement à un billet où le nom d’Elliot se trouve mentionné pour la première fois, il affirme péremptoirement « que l’Angleterre et surtout le cabinet de Saint-James ne veulent point la guerre,… que cette pensée vague a été réchauffée par quelques circonstances particulières qu’il serait trop long de déduire, mais qu’au fond ils ne sont point décidés à la guerre, et que même ils penchent fortement à la paix. » En second lieu, Dumont, dans ses souvenirs, s’est fait évidemment l’écho d’un bruit du temps lorsque après avoir cherché à défendre Mirabeau contre le reproche de vénalité, il ajoute : « Si l’Espagne et l’Angleterre l’ont acheté, que sont devenues les sommes qu’il a reçues ? » Nous donnons cette conjecture pour ce qu’elle vaut, et nous laissons aux panégyristes ou aux détracteurs du grand tribun le soin de poursuivre l’enquête.