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la période politique et libérale, la première illustrée par Kara-George, par Milosch Obrenovitch, la seconde qui s’annonce aux derniers jours du vieux despote et qui salue d’avance son chef. Il ne serait pas équitable pourtant de rester sur ce souvenir au moment où Milosch va disparaître de la scène. Si son administration a soulevé de graves reproches, sa politique étrangère a été jusqu’à sa dernière heure aussi habile que hardie. Au mois de mai 1860, Milosch envoie à Constantinople une députation chargée de demander à la Porte trois choses également importantes : 1° la confirmation des lois récentes émanées de la skouptchina qui établissaient le principe d’hérédité souveraine et réglaient la succession au trône ; 2° l’exécution du firman de 1830, qui interdisait aux Ottomans le séjour de la Serbie, réserve faite des forteresses de la frontière ; 3° l’abolition complète du firman de 1838, qui entravait l’administration intérieure du pays. Ce mémorandum est daté du 7 mai 1860. À ces demandes si nettes appuyées d’argumens très forts, la Porte fait des réponses évasives ; conciliante sur les questions de fait, elle refuse de proclamer des principes qui pourraient gêner son action dans l’avenir. Ainsi, pour obéir au vœu du peuple, elle a reconnu dans le prince Michel le futur héritier de la couronne ; aller plus loin, ajoute-t-elle, proclamer d’une façon définitive le principe de l’hérédité souveraine, ce serait porter atteinte aux droits de la nation serbe. On ne s’attendait guère à rencontrer chez les ministres du sultan un respect si scrupuleux de la volonté des raïas. Même jeu, même duplicité, finalement même déni de justice en ce qui concerne l’exécution du firman de 1830 relatif au séjour des musulmans et la suppression des entraves qui paralysent l’administration intérieure. Que fait Milosch ? Par un acte solennel, en date du 22 août, il déclare que jamais ni lui, ni le peuple serbe, ne cesseront de regarder toutes les dispositions contenues dans le mémorandum du 7 mai 1860 comme des droits irrévocablement acquis[1]. C’est à peu près la réponse que Kara-George avait faite

  1. Sans entrer dans trop de détails, il faut citer au moins parmi ces droits la loi de succession au trône telle qu’elle fut édictée par le prince, d’après le vœu de l’assemblée populaire et le consentement du sénat. En voici les dispositions principales, que j’emprunte encore à l’Annuaire des Deux Mondes, t. IX, p. 730. A La dignité princière est héréditaire dans la descendance mâle de la famille Obrenovitch. Si cette famille s’éteint, le dernier des Obrenovitch transmettra la dignité à un fils adoptif qui devra être Serbe de naissance, d’une famille honorable et de la communion grecque. L’héritier du trône est majeur à dix-huit ans révolus. Pendant la minorité, la régence est exercée par un triumvirat que la skouptchina choisit parmi les ministres, les sénateurs, les conseillers de la cour de cassation et de la cour d’appel. Si le prince régnant n’a pas d’héritier et meurt sans avoir désigné de successeur, la skouptchina élit un Serbe pour prince. » C’est en vertu de cette loi que MM. Blasnovatz, Ristitch et Gavrianovitch exercent aujourd’hui la régence pendant la minorité du prince Milan.